jeudi 11 mai 2017

Alien : Covenant - Le mythe de Frankenstein ou le Prométhée moderne à la sauce spatiale


Il y a des films dont on sort enjoué car ils dégagent une certaines joie de vivre (Les Gardiens de la galaxie Vol.2 dernièrement) …et puis d'autres, qui vous font trouver l'univers dans laquelle notre insignifiante planète bleue dérive, profondément sombre… et monstrueusement hostile. "Alien : Covenant" est de ces films là.

C'est un Ridley Scott qui, à 79 ans, retourne encore au sources de l'horreur et du genre qu'il a participé à développer. Non pas qu'il ait inventé le genre du film d'extraterrestre, mais il a participé a le rendre plus inquiétant grâce à Alien. 

Débutée en 1979 par le même réalisateur avec "Alien, le 8ème passager", la saga a déjà eu droit à pas moins de 5 suites avant "Alien : Covenant" et les  crossover (Aliens Vs Predators) très discutables adaptés des comics chez Dark horses. 

Le Xénomorphe créé à partir des dessins du  designer suisse Hans Ruedy Giger (repéré pour son association au premier projet avorté d'adaptation de Dune par Alejandro Jodorowsky) a fait frémir d'effroi son public sous la houlette de  réalisateurs tels que James Cameron, David Fincher et Jean-Pierre Jeunet. Il est depuis revenu dans le giron tiède de Ridley Scott qui a tenté de donner de la cohérence à l'univers de sa créature en développant sa genèse dans le film Prometheus.  

Mais ce film s'étant mis à dos les fans de longue date de la saga, par de multiples cafouillages (communication en amont du film : c'est Alien mais pas Alien…) et des incohérences tant sur l'aspect design et créatures que scénaristique, on pouvait dire que la tâche attendant le réalisateur, de faire une suite à Prometheus, relevait d'un travail de titan tant celui-ci semblait aux antipodes du reste de la saga.
Alors, pari gagné me direz vous ? Les fans de la saga vont-ils être comblés ?

Une esthétique maitrisée au service du symbolisme

Le film débute avec une esthétique épurée, quasi minimaliste pour assister à la naissance de (la conscience) de David (Michael Fassbender) et sa discussion avec son créateur : Peter Wayland (Guy Pearce). Contrastant avec le reste des environnement de la saga, cette entrée en matière pose la transition avec Prometheus et les enjeux soulevés dans celui ci, mais j'y reviendrai à la toute fin. 
La mise en scène est travaillée, tant dans les déplacements dans cet environnement que dans les jeux de regards échangés par les deux personnages : Adam face à son créateur ou peux être plus Zeus palabrant respectueusement avec le titan Chronos sur fond de symphonie de Wagner . Nous sommes au Valhalla ou bien sur l'Olympe : un endroit interdit et inaccessible au commun des mortels,  où le créateur éduque et échange des réflexions avec sa créature avant de commencer à redouter ce qu'il vient d'engendrer.

L'ensemble du film est un jeu de contrastes où vont s'enchainer le vide spatial immense et l'environnement exigü de vaisseau de colonialisation et de terra-formation, le foisonnement végétal d'une planète providentielle mais dénuée de vie animale, le monstre hostile à l'humain et finalement la créature et son créateur. Chaque environnement est savamment réfléchi et amené, ce qui amène d'ailleurs le film a poser le décors et la situation, lentement pendant une première moitié du film avant le déferlement de violence inhérente à la créature.
Les prises de vues réelles sont superbes, tournées en majorité en Nouvelle-Zélande et en Australie, elle s'accordent parfaitement avec les décors spatiaux filmés en studio et les ajouts en CGI  (Computer Generated Imagery).

Les Xénomorphes ainsi que les effets spéciaux, bien que désormais réalisés par image de synthèse plutôt que par costumes et Animatroniques comme dans les précédents épisodes sont du plus bel effet : l'Alien gagnant en vitesse et en agilité terrifiante pendant les scènes frénétiques de la seconde partie.
A noter le jeu impeccable et troublant de Mickael Fassbender et la prestation de Katherine Waterson (qui joue Daniels), plus émotionnelle,  elle tranche par rapport à l'héroïne forte qu'était Ripley.

Mais ce qui m'a frappé en regardant Covenant, c'est l'apport de symbolisme et de références émaillant le film, un retour aux sources je trouve vis à vis du premier de la série. 
"Alien, le 8ème passager" devait d'une part son succès, outre un budget limité, à une subjectivité amenée par l'économie d'utilisation de la créature, assez peu et habilement montrée mais diablement suggestive.  La moindre ombre ou respiration laissait suspecter une mort atroce pour les occupants du Nostromo à nos yeux de spectateurs. L'autre part d'horreur qui a fait le succès de ce Xénomorphe vient des concepts de H.R Giger : Fasciné, pour ne pas dire dérangé au point d'entrevoir des organes sexuels masculins et féminins partout et de les représenter dans la majorité de ses tableaux, l'artiste a donné aux conduits de vaisseau extraterrestre des allures de vagins et d'utérus, tandis que sa créature se voyait atteinte d'une tête oblongue étrangement phallique.
Lorsque la créature attaquait  une victime, que ce soit sous la forme d'un Alien ou d'un FaceHugger, l'acte s'apparentait avec cette esthétique à une sorte de viol, ce qui a décuplé l'aspect dérangeant et malsain de ce monstre.

Mais trêve de digression, là dans "Alien : Covenant", Ridley Scott met en scène des références à des évènements antiques réels ou mythologiques tels que la fin de Pompéï ou bien Charon traversant le Styx pour accompagner le(s) voyageur(s) dans l'au-delà, comme dans le tableau "L'Ile des morts" de Arnold Böcklin en tant que décors d'une scène. Il y en a certainement d'autres, un second visionnage s'imposerait.

Un scénario aux airs de déjà-vu

Je n'irai pas dire que que Ridley Scott et les scénaristes de "Alien : Covenant" aient fait un film Fan service, mais il en a tout de même quelques (habiles) similitudes et un peu l'arôme. 

Covenant ressemble particulièrement au premier film de la saga (et un peu au second et troisième)  dans plusieurs aspects et scènes (Attention Spoiler) : Un équipage de vaisseau répondant à un signal de détresse sur une planète inconnue, l'infection de certains membres, l'émergence et l'attaque des créatures, poursuites dans des couloirs de vaisseaux pour amener la créature dans un piège…
Un air de déjà vu plane un peu sur ce film mais en dehors de ça, Covenant amène plusieurs scènes nouvelles et leurs lots d'interrogations.

Le réalisateur a su entendre les critiques qui ont émaillées la sortie de Prometheus et  rattacher le wagon au reste de la saga en tentant de réparer les incohérences et les incompréhensions de son précédent film. Alors oui Prometheus est la préquel d'Alien, le 8ème passager, mais tout comme Covenant : une lointaine préquel. On pourrait même parler de génèse tant le nom choisi, le Titan ayant donné le feu aux hommes, comme instigateur de la prise de conscience des humains et leur affranchissement des dieux, leurs créateurs est dans la logique de cette oeuvre.
L'histoire est bien portée, cohérente et répondant à plusieurs incohérences ou différence d'esthétique de la créature issue de Prometheus. Mais cela s'arrête là, la boucle est bouclée, la transition avec son prédécesseur est faite mais nulle grande révélation supplémentaire ne viendra vous en apprendre plus sur l'univers d'Alien et les fameux ingénieurs.
On reste quelque peu sur sa faim d'un point de vue scénaristique même si le récit est bien amené jusqu'au twist final assez peu surprenant tant on s'y attend. On reste finalement dans le ton de la saga.

En conclusion : Dans la salle, nul ne vous entendra crier.

"Alien : Covenant" est un bon film, un récit rondement mené, pas exempt de défauts mais bien plus cohérent que ne le fut Prométhéus et qui a l'avantage de rattraper le tir pour mieux coller au restant de la saga.
Le problème principal de ce film est surtout qu'il ne surprend pas : la créature et sa violence sont connus. Difficile alors de faire encore frémir ou hurler les spectateurs alors qu'on en est à son 6ème opus de la série.

L'autre soucis inhérent est le manque de certaines scènes qui ont été réalisées et utilisées pour la promotion du film, à savoir :

- une scène d'une vingtaine de minutes présentant les 20 membres de l'équipage pendant leur dernier repas avant mise en hibernation. Outre la volonté de faire une scène ressemblant à celle du repas sur le Nostromo dans le premier de la série, l'idée était d'installé les relations entre les personnages vu que ce sont tous des couples (gay ou hétéro), et cela, quand commence le jeu de massacre dans le film, a une certaine importance. On comprend d'autant mieux les actes ou les inquiétudes de certains ou pourquoi d'autres sont prêts a foncer tête baissée dans le danger.

- une scène présentée comme la véritable fin de Prometheus, présentant le début du voyage spatial du professeur Shaw et de David dans le vaisseau des ingénieurs. Cette scène, non insérée dans la version en salle de Covenant et seulement sur internet, manque cruellement pour faciliter la transition à partir de la fin de Prometheus à ceux qui ne la connaissent pas. De plus, son absence occulte un peu des intentions et des motivations de David vis-à-vis de ses créateurs. 

On peut juste espérer que ces scènes seront insérées dans la version longue du film ou Director's Cut.

On passe un très bon moment attendant que la situation dégénère (forcément) comme dans les précédents épisodes et que la créature entre en scène. Pourtant, Covenant prend le risque de s'approcher du Fan service tout en cassant les codes de la saga. Le thème de la créature et de son créateur amenée depuis le précédent film commence là a prendre une certaine dimension et à donner un nouveau tournant à la série Alien, la renouvelant ainsi. 

La bonne question que vous devriez vous poser en regardant ce film est : qui est le véritablement monstre qui se dessine dans cette saga ? Et pouquoi ? Vivement la suite !!!

Lord Kavern


1 commentaire:

  1. C'est une critique que je trouve bien tolérante pour ce film... Personnellement, à part l'esthétique propre au film (et à Prometheus), j'ai trouvé que ce long-métrage s'apparentait à une coquille, certes quasiment irréprochable visuellement, mais... Vide. Tout y est grossier, lourd et mal amené. Outre la redite du premier opus (avec un ersatz de Ripley que je n'ai trouvé ni attachante ni convaincante), je crois que j'attendais surtout un développement de l'histoire des ingénieurs et de leur création de l'Homme. Le lien avec les autres films de la saga est là pour moi : le xénomorphe devenu l'espèce dominante après des mutations du pathogène qui devait exterminer l'espèce humaine. Toute cette histoire avec David est alambiquée, compliquée pour pas grand-chose finalement et surtout, très mal racontée. Il y a un gouffre entre Prometheus et Covenant, qui m'a totalement perdu. Là où j'ai appris à aimer Prometheus avec le temps et de nouveaux visionnages, Covenant restera certainement dans la case des "navets magnifiques" qu'on essaie d'oublier tant ça a été douloureux de les regarder.
    Ridley Scott voulait développer la naissance et les origines de son xénomorphe, ok. Mais alors pourquoi est-ce qu'on a l'impression qu'il s'est complètement perdu en cours de route ? A croire que lui-même savait pas trop ce qu'il était en train de filmer, en essayant de donner une profondeur et une ambition qui sonnent clairement creuses à son film.
    Bref, pour moi, c'est une grosse, grosse, GROSSE déception :'(

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