L'Etrange Librarium : Vous avez présenté Hostile, votre 1er long métrage aux Utopiales. Pouvez vous vous présenter, parler de votre parcourt et de ce film qui a déjà reçu de nombreux prix ?
Mathieu Turi : Je suis né à Cannes, et j’ai grandi dans le sud de la France avant de me diriger vers des études de cinéma sur Paris. Là, j’ai pu intégrer les tournages et travailler sur les plateaux en tant qu’assistantréalisateur. J’ai travaillé sur de très gros films comme GI : Joe, Inglorious Basterds de Tarantino, Hereafter de Clint Eastwood ou encore Sherlock Holmes : A Game of Shadow. C’était très enrichissant de voir travailler de si grands réalisateurs. Puis, j’ai réalisé deux court-métrages qui ont eu un certain succès en festivals (Sons of Chaos en 2011 et Broken en 2013). Aidé par la bienveillance de Xavier Gens (Hitman Frontieres(s), Cold Skin), j’ai pu écrire Hostile et le présenter à des producteurs (FullTime Films) à Cannes en 2015, et deux ans après, le film était là.
E.L : Dans "Hostile" vous n'épargnez guère vos personnages, surtout l'héroïne, fracassée par la vie, pouvez-vous expliquer ce choix ? Cet "acharnement du destin" a-t-il un sens particulier ?
M.T : Tous les récits qui se passent dans un cadre post-apocalyptique vont forcément dans ce sens, car une fois la société détruite, la violence et la souffrance deviennent le quotidien de tous les survivants. Partant de là, je trouvais intéressant que l’héroïne soit déjà, dans le passé, dans une situation difficile, comme si elle se préparait, sans le savoir, à la difficulté de cette vie à venir. Cette idée renforce le parallèle entre les deux univers, et fait de Juliette un personnage particulier qui utilise ses souffrances passées pour résoudre celles du présent.
E.L : Comme souvent quand l'apocalypse survient on traite l'avant, l'après mais rarement le pourquoi de la catastrophe. Vous avez également fait ce choix, dans quel but ? Finalement le pourquoi est-il éludé comme pour insister sur l'aspect inéluctable de la situation, sur l'impossible retour en arrière et l'impossibilité de résoudre le "problème"... Comme l'héroïne il faut se résoudre à avancer ou à mourir et comprendre que le passé ne reviendra jamais ?
M.T : C’est un point de vue intéressant, car effectivement, l’absence d’explication souligne une sorte de fatalité de la catastrophe. Mais c’est aussi une manière de montrer que je voulais me concentrer sur l’histoire des personnages, leur relation. Les flash-backs ne sont là que pour raconter l’histoire d’amour, et pas pour expliquer la catastrophe, ce que je trouvais bien plus intéressant et cohérent avec ce que je voulais raconter.
E.L : Comment avez-vous choisi l'esthétique de vos créatures ?
M.T : En travaillant conjointement avec Jean-Christophe Spadaccini, notre creature designer et qui s’est occupé de tous les makeup FX. Son immense talent et ses idées m’ont permis de mettre en valeur le corps et le jeu de l’acteur Espagnol Javier Botet (Mama, Rec, IT) , qui joue la créature. Nous voulions garder une humanité, notamment dans le regard du monstre, et il était important de le rendre à la fois effrayant mais aussi doué d’une certaine part de faiblesse physique, avec sa peau abimée, ses membres longs et fins, sa démarche hésitante et tremblante… C’est un véritable travail de collaboration artistique, et j’en suis très content.
E.L : Le travail sur les lumières est de toute beauté, on perçoit une véritable réflexion sur ce point, pouvez-vous nous en parler davantage ?
M.T : Avec Vincent Vieillard-Baron, le directeur de la photographie, nous avons fait beaucoup de recherches sur ce que nous pouvions faire pour dissocier frontalement les deux parties, les deux genres du film. Très vite, notre idée a été de départager le post-apo en utilisant des couleurs franches, de jouer sur les sources visibles et sur l’obscurité, là où les flash-backs jouent plus sur des sources extérieurs, multiples, et sur un côté plus naturel et réaliste de la lumière.
E.L : Vous parvenez à conjuguer brutalité et grâce/poésie à la fois. Avez-vous une inspiration particulière ? En SF/Fantastique quels sont vos coups de coeurs littéraires et cinématographiques ?
M.T : Au-delà de tous les classiques de la SF et du post-apo, j’ai puisé mon inspiration principalement dans deux oeuvres. La première est le livre I Am Legend de Richard Matheson, qui est un véritable chefd’oeuvre post-apo et qui n’a toujours pas eu d’adaptation vraiment fidèle à l’écran. Et la seconde est ce que beaucoup, moi compris, considèrent comme le "Citizen Kane" du jeu vidéo : The Last of Us. C’est l’une des plus belles et des plus dures histoires post-apocalyptiques de tous les temps, avec des créatures, une immensité incroyable, etc… Mais pourtant, on reste concentré sur les personnages, et la fin, sans spoiler, est un champ contre-champ sur nos héros, avec un dialogue à la fois simple et tellement poignant qu’il vous laisse les larmes aux yeux. Je rêve d’en voir une adaptation au cinéma, même si ce serait très difficile de le faire comme il faut.
E.L : Avez-vous déjà un retour du public au sujet d'Hostile ? Comment votre premier long-métrage a t-il été accueilli par les spectateurs dans les festivals ?
M.T : La tournée des festivals est en cours et nous sommes plus que ravis ! Nous avons remporté de nombreux prix : le prix de la jeunesse au NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival), les prix de meilleur film étranger et meilleur SFX au FilmQuest, le prix du jury au FreakShow Festival, 5 prix, dont meilleur film de SF, au prestigieux New York City Horror Film Festival, et tout récemment, le prix New Vision au Trieste Science+Fiction Festival. Nous avons également été projeté à SITGES, au FrightFest, etc… Les retours critiques et des spectateurs sont très bons dans l’ensemble, et j’ai l’occasion de discuter avec le public à chaque fois. C’est bien plus que ce dont je pouvais rêver pour le film, et nous ne sommes qu’au milieu des sélections.
E.L : Hostile va sans nul doute poursuivre sa route et nous lui souhaitons tout le succès qu'il mérite ! Quels sont vos futurs projets ?
M.T : Je travaille actuellement sur deux projets très avancés dont je ne peux pas encore parler, mais au moins l’un d’eux devrait être officiel très bientôt. C’est un film de science-fiction très particulier, en huis-clos, situé entre Cube et Buried, avec une ambition de mise en scène très forte. Nous sommes en plein casting et nous devrions tourner au printemps prochain. Des news très bientôt !
Propos recueillis par Athina et Lady Fae
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