Photo : Didier Cohen
Sylvain Blanchot est le scénariste du court-métrage 300 000 kilomètres/seconde que nous avions chroniqué il y a peu sur le blog.
Sylvain Blanchot : J’ai travaillé dans l’industrie du jeu-vidéo pendant onze ans. D’abord comme graphiste, puis comme Game Designer.
Puis je suis devenu romancier et ai remporté le prix du premier roman au festival du film de Beaune (ex-festival de Cognac) en 2010 avec « Et on dévora leur cœur », un thriller inspiré d’une légende amérindienne. Mon deuxième roman « Mémoire classifiée » – un thriller technologique qui prend place dans un univers Cyberpunk, est paru en septembre 2013 aux Editions du Masque.
J’ai travaillé en parallèle sur quelques scripts : Wracked (réalisé par Antoine Elizabé) et 300 000 kilomètres/seconde, bien sûr. Deux autres courts-métrages sont également en passe d’être réalisés.
Actuellement je travaille sur deux nouveaux romans, et sur la version longue de 300 000 kilomètres par seconde.
E.L : Qu'est ce qui vous a donné l'idée de ce scénario ?
S.B : C’est avant tout une collaboration. Quand Stéphane (le réalisateur) a pris contact avec moi, il voulait réaliser un premier court contenant certaines séquences spécifiques : une poursuite, une scène d’interrogatoire... Le voyage temporel était l’un des thèmes qui l’intéressaient mais ce n’était pas le seul. Nous nous sommes cependant concentré sur lui. J'ai écrit un premier script. À l'époque, nous nous étions inspirés de John Titor, un voyageur venant soi-disant du futur qui postait sur certains forums Internet dans les années 2000-2001.
Après avoir laissé reposer le script pendant un mois, Stéphane l'a relu et ne l'a pas trouvé bon. Je crois que pour ma part je ne l’ai jamais relu. Nous sommes donc repartis de zéro. Puis nous nous sommes inspirés de certains écrits et films des années 1950, en particulier d’une nouvelle qui ne parle absolument pas de voyage temporel ! Et que je n'ai volontairement pas voulu lire avant d'avoir fini l'écriture du script de ce qui est devenu 300 000, justement pour ne pas m’en inspirer, et traiter le sujet à ma manière.
Au final, la nouvelle et le script sont très éloignés, et n'ont pas grand-chose en commun. Mais elle était sans doute nécessaire pour insuffler la vie au projet.
E.L : Quelles sont vos références littéraires et cinématographiques ?
S.B : Elles sont nombreuses :
Auteurs / Littérature : Philip K.Dick, George Orwell, Stephen King, Greg Egan, John Steinbeck, Asimov, Chuck Palahniuk, Neal Stephenson...
En livres : Shutter Island, Carbone modifié, La ferme des animaux, Substance mort, L’ombre du vent, Le travail du furet, Le K, J’irai cracher sur vos tombes, Un bonheur insoutenable...
Séries : la Quatrième Dimension, X-Files (les 4 ou 5 premières saisons), Game of Thrones, The Walking Dead, Breaking Bad, Californication…
Films : Blade Runner (le film et le livre sont très bons tous les deux), Gattaca, Star Wars (épisode IV, V, VI – en particulier l’épisode V), Chinatown, Carlito’s Way, Angel Heart, Fight Club, Police Python 357, le Cercle Rouge, la Traversée de Paris…
J'apprécie aussi beaucoup le cinéma sud-coréen.
En réalisateurs : Scorcese, Brian de Palma, Christopher Nolan, Sam Mendes…
Pour 300 000, je me suis également inspiré de The Man With the White Suit (1951), avec Alec Guiness dans le rôle principal.
E.L : Comment s'organise le travail d'écriture d'un scénario ?
S.B : Dans un premier temps il faut essayer de définir ce que l’on cherche à faire. Quelle est l’histoire que l’on a en nous, que l’on veut raconter. Et pourquoi celle-là plutôt qu’une autre ? Ensuite, travailler sur ce que j’appelle les fondamentaux. Les personnages, qui ils sont et ce qu’ils veulent, les relations qu’ils entretiennent en font partie. Je travaille de plus en plus sous forme de traitement – sorte de long synopsis très détaillé. Aussi bien en roman qu’en scripts d’ailleurs. Il m’arrive aussi d'écrire directement des scènes, parfois simplement pour avoir une autre approche et voir ce qu'il s’y passe. Pour mieux saisir l’atmosphère, le ton.
Le tâtonnement est une méthode à part entière.
Je ne sais plus qui a dit : « une histoire ne se force pas, elle s’apprivoise ». Généralement, quand je cherche l’histoire j’ai recours à plusieurs méthodes ou approches, et je navigue de l’une à l’autre.
Quand on sait ce que l’on veut faire, ce que l’on veut dire, c’est déjà un bel avantage.
E.L : Un fois le film achevé : ce que vous avez vu à l'écran est il le rendu de ce que vous imaginiez en écrivant ?
S.B : Si la question est de savoir si je suis content du film, la réponse est oui. J'en suis plus que satisfait. Le film possède indéniablement une âme et une grande qualité esthétique. Je pense qu’on a vraiment envie de voir la suite. Pour moi, 300 000 est un projet qui a beaucoup de potentiel.
Après de manière générale, il y a toujours une différence entre ce que l’on a en tête au moment de l’écriture et le résultat à l'écran. C’est inévitable. Nous avons chacun une sensibilité et une perception différentes. Sans compter que le support n’est pas le même. Et puis, il y a tellement d’intervenants. La vision finale est donc forcément transformée. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'elle est moins bonne. Quand j’écris, j'essaie de faire au mieux ce que l’on appelle du montage implicite. C’est-à-dire écrire le film comme je le vois, avec des intentions de cadrage mais SANS les indiquer. Car un réalisateur n’a pas envie qu’on lui dise où ni comment placer sa caméra.
Je considère avant tout qu'un script est un outil. Une sorte de brouillon du film. Surtout pas une œuvre ; il y a tellement de personnes impliquées, de travail derrière… Et puis il arrive que d’autres idées soient meilleures que celles que l'on a eues lors de l’écriture. Dans un film, chacun apporte sa pierre à l’édifice: décors, maquillage/coiffure, costumes, accessoires, comédiens… Tout ça contribue à l’atmosphère du film. Même la régie est importante ! C’est un vrai travail d’équipe. Même si au final, la vision du réalisateur et du chef opérateur priment un peu sur le reste.
Propos recueillis par Lady Fae
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