mercredi 25 octobre 2017

Les machines tueuses : ‘Christine’ de John Carpenter, et ‘The Lift’ de Dick Maas

Bien le bonjour, curieux et cinéphiles, aujourd’hui je reviens vers vous pour une double rétrospective. Oui, encore des vieux films, avec des marionnettes, de l’animatronique, et plein de vieilles astuces de scout. Mais que voulez-vous, j’ai un penchant très prononcé pour ces pellicules antiques au doux parfum de naphtaline… Aussi lorsque le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg  propose de redécouvrir de véritables dinosaures du cinéma sur grand-écran, vous pensez bien que je ne peux résister à l’envie de vous en causer un peu.

Je vous propose donc un petit tir groupé sous la thématique des machines tueuses, avec pour les représenter John Carpenter et son adaptation du roman « Christine » de Stephen King, ainsi que le savoureux « The Lift » du réalisateur néerlandais Dick Maas. Le premier film fit d’ailleurs l’objet d’une projection un peu particulière lors du FEFFS de cette année puisque c’est en plein air (mais réfugiés dans des voitures installées pour l’occasion) que les spectateurs ont pu revivre l’ambiance des fameux ‘drive-in’. Le second film, lui, s’inscrivit également dans la lignée des séances évènementielles, puisque la projection fut présentée par Dick Maas lui-même, invité au festival à l’occasion de la sortie de son dernier long-métrage, « Prey ». Il m’est rapidement apparu logique de traiter les deux œuvres dans un même billet de par leur année de sortie identique mais surtout pour leur antagoniste similaire : la machine.

En effet, dans l’un comme dans l’autre, les personnages sont confrontés à la folie toute surnaturelle d’un appareil du quotidien qui manifeste un goût certain pour le meurtre.
Exit les serial-killers mélomanes, zombies portant un masque de hockey et autres croque-mitaines à pull rayé, en 1983 c’est les bagnoles et les ascenseurs dont il faut se méfier ! Embarquons donc ensemble sur l’autoroute vers l’Enfer, mais au volant d’une superbe Plymouth Fury, s’il vous plait.


La mécanique du cœur

Ah ! John Carpenter ! L’homme à qui l’on doit « The Thing », le premier volet de la saga « Halloween » et de fait la naissance de Michael Myers, l’inestimable « Village des Damnés » ou encore le trop vite oublié « Ghost of Mars » ! Non seulement ce type traite la pellicule avec génie, mais il est également un fabuleux compositeur, talent qu’il mettra par ailleurs au service de son cinéma. John Carpenter est incontestablement un des plus talentueux réalisateurs de ces dernières décennies, et c’est particulièrement sa maîtrise de la mise en scène qui le distingue de ses pairs. Si par ailleurs, de par votre jeune âge, une découverte tardive du cinéma, ou toute autre raison, vous n’aviez pas encore vu les œuvres qui composent sa filmographie, je vous renvoie vers ceux susmentionnés. Il est assez rare que je demande directement à autrui de combler sa culture cinématographique, toutefois nul ne devrait passer à côté de ce réalisateur.

En effet, quel que soit celui de ses films que vous pourrez visionner, il vous permettra forcément en prenant un peu de recul d’affiner votre goût en matière de cinéma. Non pas qu’il vous bouleversera tellement que votre vision entière du septième art en sera totalement redéfinie, mais tout y est si lisible et transparent qu’il vous sera vraiment simple d’analyser ce qui –dans chacune de ses composantes- vous plaît ou vous déplaît. Certains, par exemple, sont littéralement hermétiques aux montages secs et dénués d’artifices qui composent ses longs-métrages. D’autres en outre seront tout bonnement séduits par le minimalisme de sa bande-son et y verront souvent la raison de son impact. Néanmoins, qu’il soit aisé de se les approprier n’enlève rien à la qualité des films de Carpenter. Et chacun d’eux reste une très agréable expérience dans le quotidien d’un cinéphage. 

Réellement révélé suite au succès d’ « Halloween, la nuit des masques » en 1978, et un an après l’angoissant et paranoïaque « The Thing », c’est à un roman de Stephen King que le réalisateur s’attaque : « Christine », l’histoire d’un ado un peu loser qui se prend d’affection pour une voiture. Ce qui aurait pu être un teen-movie classique prend en définitive la forme d’un film d’angoisse où le surnaturel prend le dessus sur la réalité. En effet, la relation entre Arnie (le personnage principal) et Christine (sa Plymouth Fury) se fera de plus en plus fusionnelle, et ce dans un sens comme dans l’autre. Car oui, le véhicule est doué d’une volonté propre et d’une morale plus que discutable. Et s’il fallait lui retenir un léger défaut, ce serait sans aucun doute sa jalousie… littéralement meurtrière.
On y retrouve tout ce qui fait le style des films de Carpenter, et cela convient parfaitement à la mise en image des lignes de King. C’est donc une histoire d’amour adolescent des plus perturbantes qui nous est offerte, où l’on en vient à se demander qui du véhicule ou de son propriétaire est le plus engagé. A plusieurs reprises Arnie se verra mis en garde par son entourage, et chaque fois il préférera se renfermer dans sa relation avec Christine plutôt que de se remettre en question. Rapidement, on comprend que tout cela tient du surnaturel, et s’il ne nous est jamais vraiment dévoilé la nature exacte du phénomène, cela ne fait qu’entretenir le foyer du mystère…


Ascensumophobie

En quatre mots : la peur des ascenseurs. Une phobie relativement courante. D’ailleurs, quiconque est doué d’un minimum de bon sens se doit d’être méfiant vis-à-vis de ces substituts aux escaliers. Une boîte en ferraille suspendue dans le vide par des câbles, en soi, même si déjà ça ne fleure pas la sécurité ça reste envisageable, mais que penser de la présence systématique d’un bouton « appel à l’aide ». Clairement, c’est un peu comme un ours en peluche avec un panneau [Free Hugs] autour du cou et une tronçonneuse en état de marche dans les mains… En tout cas cela me suffit à préférer l’exercice physique, quitte ne jamais pouvoir gravir tout bâtiment comptant plus de six étages.
Si le concept existe depuis des lustres, c’est surtout au XIX° siècle que l’ascenseur a envahi notre monde de sa présence (certes fort pratique).  Au cinéma, il a parfois servi pour des scènes marquantes, comme lorsque des flots de sang s’en déversent dans « Shining » ou qu’il décapite une employée de bureau dans « Resident Evil », mais dans « The Lift » de Dick Maas, il est le méchant principal. Et c’est tout bonnement génial !

Bon, il faut tout d’abord savoir que je n’ai découvert Dick Maas et ses films que cet automne, durant le FEFFS, et qu’en plus d’être un type formidable et une source intarissable de bonne humeur et d’anecdotes, c’est un réalisateur fascinant. Il se dégage de chacun de ses films un réel amour pour le genre. Amour qu’on pourrait considérer aussi passionnel que celui d’Arnie pour sa Plymouth, tiens. J’en tiens pour preuve une scène anthologique d’un autre de ses films, « Amsterdamned ». Celui-ci contient la course-poursuite la plus folle qu’il m’ait été donné de voir, véritable coup d’audace aux frontières de la légalité (budget réduit oblige) et qui aura connu un ‘léger’ accident de bateau pendant le tournage.

Revenons-en à « The Lift ». Ici, l’essentiel du film prend place dans un hôtel d’Amsterdam très attentive à la qualité de son service. Or, leur ascenseur semble présenter quelques défaillances techniques ayant pu causer la mort d’une poignée de clients. Est donc dépêché notre valeureux héros, mécanicien/électricien/dépanneur de son métier, lequel se trouvera vite interloqué par l’absence apparente de tout problème. S’ensuit toute une série de meurtres aux images percutantes, jusqu’à ce que l’investigation du personnage principal l’amène à une sombre découverte du plus pur style biomécanique.

En somme, un long-métrage qui s’intègre parfaitement dans cette longue lignée de films autrefois étiquetés [Frisson] sur nos VHS, qui hume bon les années 80, et qui ne se prive pas d’un certain humour plus qu’appréciable.


Ma mère est une presseuse hantée

Ce qu’il y a eu de marquant dans le visionnage quasi-successif de ces deux films était de voir comment ils traitent l’un et l’autre de leur héritage commun. Car s’il est assumé pleinement dans le cas de « Christine » qu’on a affaire à l’adaptation d’un roman de Stephen King, la parenté de « The Lift » avec l’écrivain est, elle, plus discrète. Et pourtant, un œil vigilent (aidé d’une bonne mémoire peut-être) trouvera dans le long-métrage hollandais une nette inspiration tirée de « The Mangler », un thriller dans lequel l’antagoniste principal est une presse (plus exactement une repasseuse-plieuse de blanchisserie). Malgré tout, il faudra attendre Tobe Hooper et son film de 1995 pour que la nouvelle de King ait une adaptation au sens strict du terme.

C’est donc une ambiance typique des livres du romancier qu’on trouvera au sein des deux longs-métrages de cette chronique. Avec ce que cela implique d’angoisse et d’interrogation. Là où la saga ‘Terminator’ usera d’androïdes et d’une Intelligence Artificielle pour se parer de grands méchants, la frénésie meurtrière des machines des deux films qui nous intéressent ici semble avoir une cause surnaturelle. Dans les deux cas, l’hypothèse la plus plausible semble être la possession démoniaque, ou quelque maléfice similaire. Et cela donne un cachet tout particulier au sentiment de peur qui en découle. Si la profession d’exorciste existe bien (de manière officielle ou officieuse) dans notre monde, rien ne saurait préparer ses praticiens à exercer sur une machine. Et puis il faut le dire, en 1983, le futur, la technologie, tout ça, ça foutait un peu les jetons.

En somme, ce sont là deux témoins d’une époque où l’inquiétude naissait des révolutions et de la modernisation du mode de vie contemporain. Et si aujourd’hui il peut sembler saugrenu de sursauter à l’idée d’une voiture ou d’un ascenseur hantés, il suffit de voir comme les films d’aventure et d’expansion spatiale continuent de jouer la carte du frisson pour comprendre que la peur reste la même et ne fait que changer de visage pour nous toucher au plus profond des tripes…

Sur ce, je vous souhaite une agréable semaine, et si votre voiture fait le mur cette nuit, je ne saurais que trop vous conseiller de prendre le bus pour vous rendre au boulot demain… à moins que vous ne soyez David Hasselhoff, bien entendu. 

Bishop9K

• En bonus, un clip rendant un superbe hommage à John Carpenter, notamment à son chef-d’œuvre «The Thing», le tout en stop-motion avec des figurines G.I. Joe : 





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