Je suis un changeling. Même si on dit "un", je peux être femme ou homme, selon mon bon vouloir. Je peux prendre n’importe quel visage. Le vôtre, pourquoi pas ? C’est très pratique, surtout pour mentir, tromper, voler, assassiner... C’est peut-être pour ça qu’en général, on ne nous aime pas trop.
J'ai grandi dans un pays ravagé par la guerre et les privations. Rallier une guilde des voleurs et
d'assassins n'est pas plus idiot que partir au front. Si ? Pour eux n'étais-je pas l'outil rêvé ? J'aurai dû anticiper qu'un outil n'a pas de volonté propre. Et que si je me retournais contre mes maîtres, même involontairement, aucun masque ne me protégerait.
Entre médiéval fantastique et steampunk, plongez avec Adjaï dans les tréfonds des bassesses humaines pour relever le plus grand des défis : la quête du soi. L’individualisme est-il l’unique chemin de l’accomplissement ?
Le récit d'Adjaï, écrit tel un journal intime ou un témoignage, nous entraine depuis les bas fonds sinistres d'un royaume en guerre dans une série d'évènements la menant d'une guilde d'assassins qui l'a recruté, sa fuite, ses rencontres... ses amours parfois, en passant par les coffres et les banquets de la haute société jusqu'a l'édification de son propre réseau criminel personnel.
Ce journal nous plonge dans l'intimité d'une créature changeforme, naviguant au milieu des humains, qui doit dissimuler sa réelle nature, mais qui paradoxalement cherche sa place et celle de son espèce, vue comme d'affreux monstres imitateurs. Dans ses pages se mêlent récits d'évènements, d'assassinats ou de cambriolages en bonne et due forme, regorge des interrogations et des raisonnements d'Adjaï, de sa philosophie et de ses émotions dans les bons et mauvais moments.
Le postulat du roman nous met, assez habilement je trouve, à la place d'une créature de la Fantasy classique, plus souvent décriée ou résumée au rôle d'ennemi, qui transparait au travers de ses réflexions : sensible, mortelle et terriblement "humaine" finalement.
Le récit est fort bien construit et écrit à la première personne, émaillée de références tant à la Fantasy romancée et cinématographique qu'à la Fantasy du monde du jeu : Je pense particulièrement à la culture rôlistique issue du vénérable Dungeons & Dragons. A l'instar de celui-ci, Adjaï se voit cataloguée de "doppelgänger" par un groupe d'aventuriers en maraude. Un terme germano-scandinave, popularisé par ce jeu de rôle, désignant un imitateur d'apparence parfait, ou une créature ayant ce genre de pouvoirs.
Dans le récit, la magie et la sorcellerie sont aussi au rendez-vous, mais de façon assez discrète. Cet art apparait de façon assez sombre et secret, issu de noirs rituels et d'invocations maléfiques dont l'héroïne fera parfois les frais.
Le seul reproche que l'on pourrait trouver à ce roman serait, comme je l'ai lu ailleurs le sentiment que donne Adjaï de surmonter ou de survoler toutes les péripéties avec un talent exacerbé d'assassin d'élite.
Impression peut être aussi dû au fait qu'elle est elle-même la naratrice de son histoire et que nous ne percevons ces évènements relatés qu'au travers du prisme de sa perception des choses ou de son propre orgueuil.
Mais cela ne l'empêche pas parfois d'échouer et de se retrouver piégée par des situations roccambolesques, dangereuses, voire inextricables. Il en demeure tout de même cette impression qu'elle peut se sortir, à l'aide de son don d'imitation, de son agilité ou de son talent du combat, de toutes les situations.
C'est un récit habile pour un premier tome de la trilogie que nous sert son autrice Aquilégia Nox. On s'attache à Adjaï à la fois comme personnage et narratrice de sa propre épopée, à cette ambiance poisseuse de maraudeurs, de voleurs et d'assassins naviguant de bas fonds lugubres en passant par des maisons ou des palais somptueux. Il résulte, à l'issu de ce premier tome, la curiosité de voir ce qu'il adviendra de cette étrange créature "tellement humaine" qui se cherche, cherche son identité, sa place et celle des siens en un monde bousculé par la mort, des guerres et des cultes impies. Un fort beau récit de Dark Fantasy en tout cas qui ravira les fan du genre littéraire tout autant que les rôlistes.
Lord Kavern
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire