L'Etrange Librarium : Bonjour, pouvez vous vous présenter et nous parler de votre parcours, présenter vos recueils à nos lecteurs ?
Anthelme Hauchecorne : Je ne suis guère présentable.
Mon parcours s’apparente à un casier judiciaire bien rempli. À quatre reprises, j’ai lâchement agressé la littérature, en lui infligeant les derniers outrages. À travers, entre autres, deux romans (La Tour des illusions, Âmes de verre) et deux recueils de nouvelles (Baroque’n’Roll, Punk’s not dead). Plus quelques nouvelles aussi bêtes que cruelles, qui me vaudront une place dans l’enfer des scribouillards.
Pour ma défense : je ne pensais pas sérieusement que des lecteurs sains d’esprit perdraient leur temps à lire ma prose. Statu quo : disons que les torts sont partagés.
Âmes de verre, mon avant-dernier scandale, s’apparente à un conte de fantaisie urbaine, à une chasse aux monstres fleurant le merveilleux et la benne à ordures. L’intrigue mêle mythologie celte, rock’n’roll, humour poisseux et rebondissements contondants. Une fable pour petits et grands, absolument tout public. Je ne désespère pas qu’un jour Disney en acquière les droits. Comédie musicale et tronçonneuse feraient à coup sûr bon ménage.
E.L : Quelles sont vos sources d'inspiration ? Vos "maîtres" en littérature ?
A.H : Ni dieu, ni maître, ni croquettes.
Toutefois, j’admire les masochistes. Les écorchés vifs, celles et ceux qui s’obstinent à produire du neuf et du fougueux, quand les rayonnages des libraires ploient sous les immondices sans âme.
J’admire les « grands malades », de ma part c’est élogieux. Difficile d’en dresser la liste exhaustive, je ne voudrais pas donner l’impression de les dénoncer. Je citerai néanmoins : Yal Ayerdhal, Alain Damasio, Jérôme Noirez, Xavier Mauméjean, Catherine Dufour, Johan Heliot, feu Roland C. Wagner, Jean-Marc Ligny, Jeanne-A Debats, Mathieu Gaborit…
Si cette existence semble moins grise, ils y sont pour beaucoup.
E.L : Et vos coups de cœur cinématographiques... ?
A.H : Le cinéma m’a souvent déçu. Et encore : la notion de déception reste très en-deçà de mon ressenti. Les termes « bafoué », « cocufié », « trahi » conviendraient mieux, encore qu’il leur manque un soupçon de hargne.
Combien de pitchs alléchants débouchant sur un complet navet ? Combien de bandes-annonces racoleuses ? J’en ai l’estomac retourné.
Cependant, quelques montagnes altières émergent de cet océan de platitude. Citons entre autres Sam Raimi, dont les Evil dead ont bercé mon enfance. Clive Barker, pour ses Hellraiser et Kabal. Ou plus récemment Guillermo del Toro.
E.L
: Qu'est ce qui vous a amené à écrire ?
A.H
: Certains
auteurs trouvent leur muse dans les psychotropes. La mienne a une
prédilection pour les analgésiques.
Ma muse s’appelle « péritonite », nous nous sommes
rencontrés elle et moi tandis qu’elle me gangrenait les intestins.
J’aurais dû deviner que notre relation mènerait droit au
désastre. Nous avons convolé en voyage de noces pour une
hospitalisation de deux semaines, avant de nous séparer bons amis.
Elle dans un bocal de formol, moi délesté de quelques centimètres
de tripaille superfétatoire.
C’est
au cours de cette même hospitalisation que j’ai contracté une
infection nosocomiale : celle de l’écriture. Contre celle-ci,
point de cure, le seul remède c’est d’y succomber.
Depuis,
je n’ai jamais cessé d’étaler ma logorrhée sur papier.
E.L
: Comment s'organise le travail autour de l'écriture ?
A.H
: Perfusion
quotidienne minimale de deux
heures, dans le métro. Assis dans un wagon, je m’adonne à un
numéro passablement rôdé d’autisme. Le nez dans mon smartphone,
mes verrues collées à l’écran, j’exorcise les horreurs qui me
hantent l’esprit.
L’inspiration
ne me manque jamais lorsque je fonce à cent à l’heure, dans les
boyaux du grand ver urbain de métal. La faute sans doute aux
effluves d’aisselles mal lavées, aux senteurs de pieds et de
boustifaille, aux vitres embuées par les haleines, dégoulinantes
d’un condensat de respirations emmêlées, moites d’ectoplasmes
de mots morts non prononcés.
Je
suis l’interprète de ces spectres de phrases. Leur médium.
J’écoute
ce silence gêné, pesant, seulement ponctué de quintes de toux, de
reniflements et de pets étranglés. Après cinq minutes de ce
régime, chacun rêve d’être ailleurs. Moi y compris. Aussi je
m’évade, mon écran tactile devient mon ticket de sortie. Mon
passeport pour l’imaginaire. J’arpente mes univers pour fuir la
promiscuité.
Ensuite,
il y a les vacances. Quand cesse l’impérieuse nécessité
d’emprunter le métro chaque matin, je m’adonne alors aux joies
de la bronzette d’intérieur. Je pratique les U.V. Microsoft devant
mon écran, jusqu’à quinze heures par jour. J’arbore fièrement
mon teint de rat de bureau, savant mélange de blanc et de bistre,
soigneusement entretenu par une exposition minimale aux rayons du
soleil. Pouah : cette saleté est sûrement cancérigène.
E.L
: Autre chose à nous faire partager ?
Vous avez carte blanche !
A.H
: Je
ne voudrais pas abuser de la patience des lecteurs.
Mon
prochain méfait paraîtra à l’occasion d’Halloween 2014.
Il
s’intitule Le Carnaval aux corbeaux.
Il s’agit d’un conte nocturne pour petits et grands, dédié à
tous les cœurs qui aiment jouer à se faire peur. Ce roman dépeint
Rabenheim, village d’Alsace où les légendes prennent vie. Où
l’ombre des créatures du folklore germanique rôde sous les
frondaisons des cyprès. Où le sous-bois d’une obscure forêt cèle
tout un cortège de maléfices. L’apparition d’une foire du
macabre entraîne l’existence des villageois dans l’onde glacée
des mythes teutons.
Là
encore, un soin tout particulier sera apporté à la maquette qui
bénéficiera des illustrations de Loïc Canavaggia et de
Mathieu Coudray. Une bouffée d’air pur aux senteurs
automnales, pour les lecteurs que l’exploration d’Âmes de verre
aurait
quelque peu éprouvés, et désireux d’une plaisante convalescence.
Des vacances de Toussaint, en somme, au pays des rêves sombres et de
la magie d’effroi.
De
quoi fêter Samain en grandes pompes (funèbres).
Pour
les
masochistes qui en redemanderaient :
(débilités,
illustrations et nouvelles gratuites…)
Propos recueillis par Lord Kavern
A mon cher cousin qui m'a donné la joie de lire avec ses romans et recueils qui m'ont fait rêver du début à la fin
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