mercredi 8 novembre 2017

Interview de Vanessa du Frat


L'Étrange Librarium : Bonjour, pouvez-vous vous présenter et parler de votre parcours, présenter votre saga "Les Enfants de l'Ô" à nos lecteurs ?

Vanessa du Frat : Bonjour ! Je m'appelle Vanessa, j'ai 35 ans, et après des études de biologie terminées par un master en génétique du développement, j'ai bifurqué dans un domaine complètement différent qui est celui de l'édition (qui me passionnait depuis des années). J'avais entamé l'écriture de ma saga Les Enfants de l'Ô au collège, à l'âge de 14 ans, et je l'avais toujours plus ou moins continuée depuis, la retravaillant, l'améliorant, avec une assez longue pause lors de mes études assez prenantes, avant de m'y remettre très sérieusement dès l'obtention de mon master en 2005. Dès janvier 2002, j'en avais toutefois mis une version en lecture libre chapitre après chapitre sur un site internet que j'avais créé, donnant la possibilité aux lecteurs de commenter le récit.

Cette saga raconte l'histoire de deux grandes familles, les de l'Orme et les Paso, séparées de plusieurs siècles et situées sur deux planètes différentes, mais liées d'une étrange manière. Dans le premier tome, on fait la connaissance d'une jeune prisonnière, sur le point d'accoucher, qui est parvenue à s'enfuir de la Terre et à échapper aux de l'Orme et qui se retrouve sur Alia, bientôt récupérée par Ruan Paso… Mais s'est-elle vraiment enfuie ou l'a-t-on volontairement laissée partir ? Aux lecteurs de le découvrir... 

E.L : Tout d'abord, qu'est-ce qui vous a amené à écrire ?

V.d.F : Lorsque j'étais plus jeune, j'adorais lire, je passais mon temps le nez dans des romans, au grand dam de mes parents, qui auraient préféré que j'aille jouer avec mes copines. Je m'inventais des histoires, que j'écrivais dans des cahiers, avec des personnages qui vivaient des aventures extraordinaires, bien plus passionnantes que la vie réelle. Ma petite sœur voulait toujours que je lui raconte des histoires avant de dormir, ce que je faisais volontiers. Arrivée au collège, j'ai trouvé une amie qui partageait ma passion de la lecture et qui aimait écrire elle aussi. Nous avons commencé des histoires à quatre mains. J'attendais toujours avec impatience l'épreuve de rédaction, où je pouvais laisser libre cours à mon imagination. Puis, en quatrième, j'ai eu l'idée des Enfants de l'Ô (qui n'avait pas grand-chose à voir avec la saga actuelle, mais certaines grandes lignes directrices sont toujours là) et j'ai commencé à écrire cette histoire, que j'ai poursuivie jusqu'au lycée. Là, je me suis fait une amie qui écrivait vraiment sérieusement, qui avait à son actif plusieurs romans et nouvelles, et qui m'a pour ainsi dire fait envisager la possibilité d'autre chose : elle avait un talent fou, se consacrait pleinement à sa passion, et m'a beaucoup encouragée. Je me suis dit que cela valait peut-être la peine de vraiment chercher à faire quelque chose avec cette saga, qui pour l'instant avait surtout été lue par la famille et les amis. Je l'ai donc réécrite, retravaillée, puis mise de côté au profit d'un autre roman qui, lui, n'était pas une saga, et n'était pas de la science-fiction.

Mais ma saga voulait vraiment revenir sur le devant de la scène et j'ai fini par la reprendre plus tard, comme on le sait. Mon envie d'écrire est venue de mon besoin, je pense, de faire partager les mondes qui vivent à l'intérieur de moi, toutes ces histoires que je crée, et surtout, je fais partie de ces écrivains qui ne planifient pas vraiment leur scénario (je sais où je vais, bien sûr) : je découvre presque l'histoire au fur et à mesure que je l'écris, et c'est le véritable plaisir que je trouve dans l'écriture.

E.L : Quelles ont été vos sources d'inspiration pour écrire votre saga (en littérature, au cinéma) ? Qui sont vos maîtres et coups de cœur en littérature et dans le septième art (principalement en SF, fantastique) ?

V.d.F : Même si ma saga est classée en science-fiction et que c'est un genre que j'apprécie, je ne suis pas une grande lectrice de SF ou de littérature de l'imaginaire (d'ailleurs, en littérature de l'imaginaire, j'avoue ne lire que de la SF, car je n'apprécie guère le fantastique ou la fantasy, même si j'en ai lu beaucoup dans le cadre de mon métier de correctrice et que je peux avoir du plaisir à lire les livres que je corrige). J'ai énormément lu jusqu'au moment où j'ai commencé mes études, et même pendant mes études (j'avais de longs trajets en transports publics, j'avoue avoir aussi lu pendant les cours les moins intéressants ^^), mais par la suite, je ne suis devenue plus qu'une lectrice occasionnelle (je parle bien sûr de la "lecture plaisir" et pas des heures que je passe devant mon écran chaque jour à lire les romans que je corrige). Mais j'ai lu tout Barjavel, qui est mon auteur préféré. Je fais d'ailleurs de nombreux clins d'œil à ses œuvres tout au long de ma saga. J'ai aussi apprécié plusieurs romans d'Arthur C. Clarke et de Michael Crichton. Et bien sûr, Stephen King, que j'ai dévoré étant ado.

Maintenant, j'aime aussi beaucoup la littérature générale et particulièrement les sagas familiales. J'étais particulièrement fan des romans de Virginia C. Andrews, là encore de nombreux clins d'œil ont été glissés dans la saga et les lecteurs de ses romans ne s'y sont pas trompés. Mon coup de cœur est celui qui l'a fait connaître : Fleurs Captives.
Également, un autre coup de cœur est la longue saga préhistorique des Enfants de la Terre, de Jean M. Auel (le clin d'œil du titre de ma propre saga n'est pas voulu mais quand il s'est agi de choisir un titre et que celui-ci s'est imposé, j'ai trouvé le parallèle amusant).
En littérature générale, là encore, Lolita, de Vladimir Nabokov, que j'ai lu plusieurs fois.
Mais mon coup de cœur ultime est le roman de SF La Nuit des Temps, de René Barjavel, que je ne peux que conseiller à tous ceux de vos lecteurs qui ne l'ont pas encore lu !

Pour ce qui est du cinéma, mes coups de cœur sont très typés SF, en revanche. Alien, la trilogie Retour vers le Futur, la quadrilogie des Indiana Jones (oui oui, même le 4 ^^), le 5e Élément, Stargate, Dark City. J'ai aussi dans mon top 20 quelques films qui ne sont pas du tout du registre de l'imaginaire, bien entendu, mais je dois dire qu'au cinéma, la SF a ma prédilection !

E.L : Comment s'est organisé le travail d'écriture ? Avant et après la publication ? Pendant l'écriture, le moment de la journée où vous écrivez le mieux ? Un rituel autour de l'écriture ?

V.d.F : Pour ce qui est du travail d'écriture, la saga était entièrement écrite (du moins le premier cycle), mais à partir du moment où je me suis décidée pour la publication, j'ai travaillé avec une amie éditrice, elle-même auteur : Shirley J. Owens, pendant de longs mois sur le premier tome. J'avais décidé depuis des années de faire de l'autoédition pour cette saga, connaissant bien le monde de l'édition et surtout le peu de chance que j'avais de trouver un éditeur qui voudrait prendre le risque de publier de la SF (qui se vend très mal en France) et une saga (grosses pertes financières à terme, en général). Donc une saga familiale de SF, qui à plus forte raison était un croisement bâtard entre de la SF, de la romance et de la littérature générale, mes chances étaient pour ainsi dire nulles. Plusieurs amis auteurs et éditeurs m'ont convaincue de tenter le coup, j'ai envoyé à cinq grands éditeurs spécialisés en imaginaire, j'ai eu trois réponses négatives, une absence de réponse et une réponse positive. Je ne me suis pas entendue sur le contrat avec l'éditeur qui m'avait donné une réponse favorable, je suis donc restée sur mon idée de départ (ce que je ne regrette pas).

Évidemment, cela a eu pour conséquence de me donner un travail supplémentaire considérable. Création d'une structure (Chromosome Éditions), création d'une maquette intérieure, d'une maquette de couverture, choix d'une illustratrice, choix d'un imprimeur, création d'un site internet et d'une plateforme de vente, suivi de tout le processus d'impression, création du livre électronique puis distribution de celui-ci. Pour le livre électronique, j'ai la chance d'avoir un ami dont c'est le métier qui s'occupe de la création des fichiers, et pour la distribution, c'est Immatériel qui s'en charge, ce qui m'évite de devoir comme d'autres auteurs autoédités m'inscrire sur chaque librairie numérique pour y placer mon livre.

Bien entendu, tout cela ne fait pas rêver. Cela dit, l'accueil des lecteurs a été plus que favorable. Je me suis lancée après une courte pause dans la correction de la suite avec mon éditrice, et j'ai recommencé ce processus… Les livres ayant été proposés en lecture gratuite sur mon site jusqu'au tome 4 à l'époque, il fallait que j'offre un contenu inédit aux lecteurs qui allaient acheter cette version papier. Chaque tome a été retravaillé, bien sûr, mais bénéficie d'environ un tiers minimum de son volume en scènes ajoutées. Cela nécessite beaucoup de travail, mais cela me permet aussi d'améliorer l'histoire. Après tout, des années se sont écoulées depuis l'écriture de ces tomes et j'ai pris du recul.

Après la publication, le plus difficile est le travail de promotion, et j'avoue que j'ai beaucoup de mal avec cette phase. Il est très difficile de se faire connaître, à plus forte raison sans l'appui d'une grosse structure. Je vois avec plaisir que les lecteurs qui achètent le premier tome achètent très souvent la suite derrière. Ce n'est pas toujours le cas, bien entendu. Parfois, ils ne sont simplement pas le public cible, ce qui peut arriver. Mais le plus dur est de les convaincre de se lancer, de donner une chance à cette saga atypique. Les amateurs de SF sont souvent rebutés par le côté "romance / drame psychologique", alors que ceux qui ne sont d'ordinaire pas attirés par la littérature de l'imaginaire et qui lisent volontiers des sagas familiales vont être arrêtés par la mention "science-fiction". Beaucoup de lecteurs sont venus me dire qu'ils ne lisaient pas de SF car ils n'aiment pas le côté "carton-pâte" des personnages, mais qu'ils avaient adoré mes romans car ceux-ci étaient très axés sur la psychologie des protagonistes. J'ai aussi eu le commentaire inverse, évidemment, où des amateurs de SF regrettaient le fait que les personnages soient vraiment mis au premier plan et que toutes les intrigues passent souvent en trame de fond.

Actuellement, je m'apprête à sortir le sixième tome (pas encore de date prévue, mais le roman est terminé et les phases de correction sont achevées), et je travaille sur la réécriture du tome sept. J'ai changé l'histoire de manière radicale, ce qui nécessite un travail bien plus important que pour les tomes précédents.

Le moment de la journée où j'écris le mieux est le soir, avant de me coucher. Je m'installe dans mon lit avec mon fidèle MacBook Air et une tasse de thé. Il m'arrive parfois d'écrire jusqu'à ce que je m'endorme à moitié entre deux mots. Mais je peux aussi écrire l'après-midi ou le matin, selon l'inspiration. Le tout est de s'y mettre. Pour le tome 6, j'ai ajouté 150 000 mots de scènes inédites (non nécessaires, car le tome 6 n'avait jamais été diffusé sur internet, j'ai simplement eu envie d'introduire un personnage qui intervenait normalement plus tard dans la saga), ce qui m'a d'ailleurs forcée à couper le roman en deux et à ajouter un tome au premier cycle pour ne pas me retrouver avec un tome de 400 000 mots. J'écrivais n'importe quand, j'avais juste besoin de faire avancer cette histoire, de voir où elle allait. Comme je l'ai dit, je fais partie de ces écrivains qui découvrent presque leur récit à mesure qu'ils l'écrivent, et j'avais hâte de voir ce que mes personnages allaient faire ensuite.

Pas de rituel spécial, non, mais un ordinateur : mon MacBook Air. Je pense que j'aurais du mal à écrire ailleurs. Je pourrais évidemment écrire sur une feuille si j'avais soudain l'inspiration pour une scène et que je n'avais pas le mac avec moi. Cela dit, cet ordinateur, c'est une part essentielle de mon processus d'écriture. Avant lui, j'avais un petit MacBook blanc 13", qui a été volé, et avant lui, un iBook 12". Et encore avant ça, un OmniBook 800 10". Je crois que l'important, c'est le format. Quelque chose de petit, d'intime. Je ne pourrais pas écrire sur un ordinateur de bureau, voir le texte s'afficher sur l'écran 27" que j'utilise pour mes corrections. Je me sentirais agressée, j'imagine :)

Et le thé, aussi. Le thé est très important. Du Earl Grey, ou à la limite, du thé vert à la menthe si je sens que je pars sur une longue séance et que je ne veux pas me faire 2 litres de thé noir.
Parfois de la musique, mais pas toujours.

E.L : Autre chose à nous faire partager ? Vous avez carte blanche ! (lien vers votre site, page facebook, remerciements, accueil de votre ouvrage par les lecteurs, futurs projets…)

V.d.F : Dans le cas de ma saga, il existe l'édition e-book, que l'on peut trouver dans toutes les librairies numériques, mais j'ai aussi fait un tirage collector, disponible sur mon site internet : N'hésitez pas à passer commande, elle vient avec son marque-page assorti, et, bien sûr, une dédicace :)
Une page Facebook existe aussi. Je n'y suis pas aussi active que je le devrais, surtout pendant les phases pendant lesquelles je me consacre surtout à l'écriture. Je me transforme en un être monomaniaque qui ne fait plus rien d'autre qu'écrire dans son coin.

Pour ce qui est des futurs projets, pour l'instant, mon but est surtout de terminer la publication de la saga (je visais 2018, mais avec le tome supplémentaire, je ne suis pas certaine de tenir ce délai), et ensuite, on verra bien ! Je vais continuer à écrire, c'est sûr, en revanche, il est quasi certain qu'il n'y aura plus d'édition collector si je poursuis avec le deuxième cycle des Enfants de l'Ô. Les éditions papier seront toujours possibles, mais plutôt selon un système d'impression à la demande, pour les lecteurs qui auraient envie de continuer la collection dans leur bibliothèque. Il est en revanche envisageable que je sorte, après le dernier tome papier du premier cycle des Enfants de l'Ô, mon roman de littérature générale le Sang des Miroirs – que certains avaient pu découvrir à l'époque aussi sur internet – en édition collector également.

Et je profite de ma carte blanche pour remercier mon éditrice et amie Shirley J. Owens, qui fait un travail remarquable sur la saga depuis le tout début. Elle a un talent fou pour dénicher le détail qui fâche, pour déceler la petite incohérence que je n'ai pas remarquée à force de faire des allers-retours sur la saga depuis tant d'années. Elle est auteur elle aussi, publiée chez plusieurs éditeurs, et je ne peux que recommander à vos lecteurs de découvrir ses écrits, notamment Démons, son roman de dark fantasy, publié chez Séma Éditions (elle a publié aussi en littérature jeunesse ainsi que plusieurs nouvelles), qui est excellent. Elle a également d'autres perles en attente dans ses tiroirs que j'ai eu le plaisir de corriger en tandem avec elle puisque nous travaillons ensemble depuis de longues années. Donc, un talent à suivre :) 

Propos recueillis par Lady Fae

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