mercredi 10 mai 2017

Alien : Covenant, de Ridley Scott



Ahhh, quel panard ! Vraiment, quel pied ! J’ai l’impression de sortir tout juste du ciné, et pourtant, une nuit entière s’est écoulée depuis le générique du dernier bébé de Ridley défilant sous mes yeux ébahis. J’escompte même y retourner pour une seconde lecture, envie qui me m’avait pas saisi depuis… depuis… oh, bon sang, depuis Sucker Punch de Zack Snyder, il y a six piges de ça ! Certes, nous ne sommes pas dans le même registre, et je ne compare pas les deux films entre eux, cela me fait juste plaisir de m’entendre dire « il faut que je le revois, je suis sûr d’être passé à côté d’un truc ». A commencer par la scène d’introduction, d’ailleurs ! Très sobre, d’un blanc presque immaculé, nous dressant un entretient très froid et monotone entre l’homme et la machine, entre l’humain et sa création, entre Peter Weyland et David. On nous y tisse un échange, où les rôles paraissent s’inverser à chaque phrase et au vu de l’effort investi dans la mise en scène, on est immédiatement alertés de l’importance de tout ceci pour la suite du long-métrage. Après tout, on a affaire à un réalisateur qui a à maintes reprises fait ses preuves et démontré qu’il connaissait l’art dans lequel il s’épanouit.
Cette réflexion m’amène à un élément dont j’aimerais traiter tout de suite : quid de Prometheus, dans tout ça ? Et bien tous les éléments de ce dernier, tout ce qui y fut présenté, tout ce qui a valu à Ridley de s’attirer les foudres d’une foule belligérante, tout dans Prometheus était là pour préparer le terrain de ce nouveau volet de la saga Alien. D’ailleurs, si Covenant, lui, porte fièrement dans son titre la mention « Alien », ce n’était pas le cas de son prédécesseur. En définitive, Prometheus n’était pas un préquel à Alien, le huitième passager, mais bien à Covenant. Ah, ils en auraient eu, du xénomorphe, si monsieur Scott avait directement sorti son nouveau bébé, mais voilà que ses spectateurs ingrats auraient pesté de plus belle, ne bitant absolument rien au scénario qu’on leur aurait exposé. «Je les entends d’ici les fameux : « Mais y manque un morceau, il aurait pu faire un film pour préparer le terrain au moins… » Et bah justement, il l’a fait, le gars. Ce n’est quand même pas du haut de soixante-dix-neuf piges, dont presque 40 ans de carrière que vous allez lui apprendre son métier, si ? C’est là une belle occasion de rappeler que l’œuvre d’un réalisateur se considère dans son ensemble. 

Attention, je n’ai jamais trouvé Prometheus exempt de défauts, il en comprend, toutefois la plus grandes majorité des questions trouvent leur réponse ou se voient complétées dans ce nouveau volet. Bien, mes comptes désormais réglés avec les détracteurs de Ridley, j’en reviens à mon ressenti général au sortir du film. Positif, clairement. Sans non plus sortir trompettes et cors ou clamer haut et fort que c’était le film de l’année, il reste très très bon. Une réalisation sans réelle faille, quoique peut-être un brin plus académique que ce à quoi son auteur avait pu nous habituer jusqu’alors. M’bon, à l’orée des quatre-vingt printemps, on ne va peut-être pas le blâmer pour si peu, d’autant que le cadrage comme la mise en scène restent au-dessus de nombreux autres longs-métrages. Oh, en parlant de mise en scène, vous savez ce que c’est « l’ironie dramatique » ? Pour faire bref, pour celles et ceux qui seraient étrangers au terme, ça désigne une situation où, dans le film, un personnage est confronté à une situation dont il n’a pas les clefs de compréhension tandis que le spectateur, lui, les a. L’exemple le plus probant du genre serait celui d’Œdipe qui, dans l’ouvrage éponyme, ignore qu’il est l’assassin qu’il pourchasse alors que le lecteur / le spectateur en est conscient de par la narration.
Et bien là, Ridley se permet une exposition de ce principe des plus brillantes. Clairement, le bonhomme est conscient que la moitié voire deux bons tiers de la salle de ciné seront des personnes ayant déjà dévoré la saga, ils connaissent donc déjà les codes et probablement le cycle de développement de la créature. Il s’en amuse donc au fil d’une scène bien précise (dont je me garderais de tout spoil tant elle vaut le déplacement), et l’hilarité de la salle fut indéniablement le signe qu’il avait fait mouche. Par ailleurs, ce relief comique est le bienvenu, car là encore, Scott arrive à tenir son public en haleine.
Alors même que le film débute, l’introduction passée et le générique nostalgique au possible déroulé, les péripéties s’enchainent. Certes, le vaisseau fait ô combien moins « poubelle spatiale » que le Nostromo, mais c’est tout à fait sensé. Le Covenant est un appareil à but de colonisation, transportant à son bord plus de 2000 gugusses bien au frais dans leurs cuves cryogéniques. On est loin du remorqueur de l’espace à l’équipage sacrifiable. Là, la Compagnie a mis les moyens. Et malgré cela, on retrouve dans certaines ailes et certains couloirs du navire cet aspect un peu usé, ou qui inspire une vie au décor avant le film. 


Pour autant, l’esthétique est superbement travaillée, tout du long. Et le xénomorphe, oh bigre, il est sublime. Alors ouais, pour un puriste du latex comme votre bon serviteur, un afficionado du costume en mousse, ça peut sembler surprenant de s’extasier de la sorte devant de l’image de synthèse. Et bah la raison est pourtant toute simple. Comme je l’ai brièvement évoqué dans mon billet précédent, sur le Huitième Passager, avoir un acteur dans un costume –aussi bien foutu soit-il et quel que soit le talent des cascadeurs- impose de soi certaines restrictions. Or, Ridley voulait que son monstre soit vif, une véritable bête infernale, un insaisissable serpent. Cela transparait dans les quelques plans qu’il se permet de ladite bestiole. Mais là, avec une somme bien plus conséquente et des effets spéciaux de haute qualité, il a pu donner vie à ses phantasmes. Je n’imagine pas combien il a dû être heureux de voir gambader de la sorte sa créature, lui donner cette rapidité, cette agilité totalement démentielle qui fait définitivement honneur à sa réputation et qui ne manquera pas de rappeler aux amateurs de jeux-vidéo cette saloperie qui vous harcèle dans Alien : Isolation.
En fin de compte, et plus j’y réfléchis, je me dis que ce nouvel opus est un peu une version 2.0 de ce qu’aurait pu être son premier film s’il avait pu y mettre tout ce qu’il souhaitait. Alors oui, c’est tout de même un film différent, un préquel à la saga entière et donc à son propre métrage, mais tout du long j’ai eu la sensation qu’il y avait mis tout son cœur, comme en 79… Et bon sang, à moins d’être le moins émotif des cailloux, ça touche. En somme, je le recommande vivement, et je dis cela en toute objectivité (promis !). 

Bien, c’est ici que je vais laisser la plupart d’entre vous, je vous remercie de m’avoir accompagné jusque-là, mais nous allons faire un petit passage par une zone [SPOILER] car il m’est impossible de traiter de mon dernier point sans dévoiler quelques légers éléments du scénario. Aussi, si vous n’avez pas encore vu Alien : Covenant et que vous voulez vous préserver pour votre séance, merci de prendre ceci pour un adieu et de passer directement à l’avis de Lord Kavern ou sur une autre chronique. A la rigueur, si vous pouviez me ramener un p’tit quawa, ce serait vraiment chou tout plein de votre part. Enfin, à bientôt, et la prochaine fois que vous irez vous griller une cigarette, faites bien gaffe où vous mettez les pieds… J’dis ça… 


[ZONE SPOILER] 
Bon, on est entre nous maintenant, le club très fermés de celles et ceux qui se précipitent sur un film sitôt celui-ci sorti en salle. Et bah c’est parfait, parce qu’on va pouvoir spéculer sur un élément particulier du scénario. On a vu ensemble qu’Alien : Covenant apportait à Prometheus nombre de réponses, et se faisant s’achemine lentement vers le Huitième Passager. Nous avons ainsi pu apprendre que les œufs donnant naissance aux Facehuggers sont en définitive le fruit des expérimentations de David. On le surprend également à la fin à « infecter » la future colonie. Très bien, mais et toute la couvée sur laquelle tombe l’équipage du Nostromo, elle est retrouvée à bord d’un vaisseau des « Bâtisseurs », non dans la cale d’un appareil humain. Pourtant, les œufs en question sont forcément issus des manipulations de David, selon toute logique. Un prochain volet lèvera-t-il le voile sur cette problématique ? Que se passe-t-il entre l’arrivée du Covenant sur Origae-6 et l’éclosion d’un œuf sur LV-426 ? L’Homme croise-t-il le chemin de ses Créateurs ? Je vous avoue, tout ça m’intrigue énormément, et j’ai hâte d’entendre le fin mot de ce que nous réserve Ridley Scott.  
[FIN DE LA ZONE SPOILER]


Allez, sur ce, Maman m’appelle, elle a relevé un signal qui passe en boucle, pas très loin. Juste le temps d’un petit détour par acquis de conscience, et je reviens vers vous. 

Bien à vous, Bishop9K.

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