L'Etrange
Librarium : Bonjour, pouvez-vous vous présenter et parler de votre
parcours, présenter votre "Bestiaire Fantastique" à nos lecteurs ?
Comment
définiriez-vous cet ouvrage ?
Richard Ely :
Bonjour. D’abord merci de nous donner la parole, cela fait toujours
bien plaisir ! Me concernant, je suis tombé dans l’étrange
tout petit. Habitant un village de sorciers, Ellezelles en Belgique,
j’ai été très tôt confronté à l’univers des légendes et du
fantastique. Un domaine que j’ai exploré à travers mes lectures
après avoir découvert Thomas Owen à quinze ans et à travers mes
études universitaires. J’ai ensuite créé et dirigé Khimaira, le
magazine de toutes les fantasy avant de revenir à l’écriture
depuis 2007.
Photo : Pierrick Panier |
Cet
ouvrage est le bébé de deux passionnés de féerie… j’ai
demandé à Richard Ely, il y a bien cinq ans de ça maintenant, s’il
n’aurait pas par hasard un projet d’ouvrage à quatre main dans
ses tiroirs. J’ai une faille redoutable : je manque
perpétuellement de confiance en moi. L’écriture à deux est un
bon moyen de la dépasser !
Sur
le coup, Richard m’avait dit que non… puis il est revenu quelques
mois après avec l’idée du bestiaire. J’ai commencé par
proposer de longs articles (assez similaires à ce que j’ai écrit
dans Wikipédia sur des pages comme Groac’h mais avec une écriture moins formatée). Il a fallu réduire la
taille de chaque entrée pour répertorier le maximum de créatures
différentes, un choix à l’opposé des autres ouvrages existants
sur ce thème. C’est ce qui fait l’originalité de celui-là.
Richard :
Le présent ouvrage est né d’un constat : si beaucoup
d’encyclopédies, de dictionnaires évoquaient les Petits Etres des
autres pays, en France, la Bretagne était surreprésentée par
rapport aux autres régions. Cela s’explique par une collecte plus
attentionnée et un folklore toujours bien vivant mais nous trouvions
dommage que les passionnés d’aujourd’hui ne se rendent pas
compte de la richesse de chaque région de leur pays en matière de
féerie.
Amélie :
On
a tendance à penser que la Bretagne connaît plus de légendes
qu’ailleurs… c’est à la fois vrai et faux ! Faux car rien
ne prouve qu’il y ait eu plus de récits de ce type en circulation,
plus d’histoires contées le soir à la veillée en Bretagne qu’en
d’autres lieux… vrai parce que les collecteurs (Sébillot, Le
Braz, Luzel, etc…) ont su remarquablement les préserver à
l’époque où il le fallait… tandis que dans nombre d’autres
régions (je pense en particulier au bordelais, où nous avons un
véritable « désert légendaire »).
E.L :
Quelles ont été vos sources d'inspiration pour écrire votre saga
(en littérature, au cinéma, votre expérience personnelle
alimente-t-elle vos récits...) ? Nos lecteurs sont passionnées de
SF et de Fantastique avez-vous un coup de coeur particulier que vous
souhaiteriez leur faire partager en littérature et dans le septième
art ?
Richard :
La principale source d’inspiration de tous mes ouvrages est la
Nature. Sans arbres, buissons et plantes, je ne peux écrire.
Ensuite, j’ai souvent le nez plongé dans les collectes de
folkloristes. Côté lectures, je cite toujours les auteurs qui
m’accompagnent depuis longtemps, les livres de Thomas Owen, de
Claude Seignolle et de Pierre Dubois. Chez ces trois auteurs, tout
est absolument à découvrir. Sinon côté classiques, le Horla
de Maupassant m’a toujours hanté comme
Le Tour d’écrou de James. Et côté nouveauté, j’ai beaucoup apprécié le dernier recueil de Mélanie Fazi, Le Jardin des Silences.
Le Tour d’écrou de James. Et côté nouveauté, j’ai beaucoup apprécié le dernier recueil de Mélanie Fazi, Le Jardin des Silences.
Amélie : Une
grande partie de nos sources viennent de Sébillot, qui a réalisé
un travail remarquable sur toute la France… mais à l’origine, il
est haut-breton ! Il a donc naturellement une meilleure
connaissance des légendes bretonnes, ce qui explique l’habitude
d’en trouver davantage dans ce type d’ouvrage. Pour rééquilibrer
un peu la répartition, nous avons dû fouiller dans des documents
qui, à ma connaissance, n’avaient jamais été exploités pour un
ouvrage grand public. Evidemment nous n’utilisons pas de récits de
fiction pour documenter un ouvrage qui se veut aussi utile à la
recherche universitaire qu’à tout passionné de féerie… même
si, ce serait intéressant d’avoir un jour un ouvrage qui compare
toutes les créatures imaginées par les écrivains… les dragons
selon R.R. Martin sont bien différents des dragons selon Anne Mc
Caffrey, qui n’ont rien à voir avec les dragons du film Dreamwork
du même nom !
En
fait, je ne trouve plus vraiment de plaisir dans la littérature de
fiction ni même le cinéma depuis quelques années – j’ai
vraiment envie d’apprendre "comment le monde fonctionne" et comment les habitants des territoires l’imaginent, plus que de
me plonger dans l’imaginaire d’un auteur ou d’un scénariste en
particulier. Je lis un nombre réduit d’auteurs de fiction, parmi
lesquels Pierre Bordage (donc le dernier n’est pas vraiment un
roman de SF : Le
Jour où la guerre s’arrêta),
et je me suis rapprochée du jeu de rôle – un projet avec Didier
Guiserix.
E.L
: Comment s'est organisé le travail d'écriture ? Comment vous-êtes
vous réparti l'immense travail de recensement à effectuer ? Avant
et après la publication ? Pendant l'écriture, le moment de la
journée où vous écrivez le mieux ? Un rituel autour de l'écriture
?
Richard :
Pour cet ouvrage, il y a eu un long moment de préparation, de
recensement des diverses créatures. Puis, la répartition a été
assez simple, la forme de l’ouvrage se prête facilement à une
écriture à plusieurs mains. Nous avons choisi chacun un type de
créatures et rédigé dans notre coin les différentes entrées.
Puis, nous avons procédé à des relectures successives qui ont
permis de fondre nos styles et d’arriver à une forte uniformité.
Côté
rituel, il va de soi qu’avant chaque temps d’écriture, une poule
noire est sacrifiée et que je ne peux rédiger qu’au milieu de
parfums de plantes sacrées et d’encens… Hum, je plaisante. Je
suis plutôt du genre à écrire partout. Cela va de mon bureau
entouré de livres, de figurines de lutins, de fées au tronc d’un
arbre abattu sur lequel j’aime m’asseoir en passant par le train
ou un petit café de village… Je n’écris pas en continu, je suis
souvent distrait par un oiseau qui passe, un insecte ou la
conversation de la table d’à côté. Tout cela me nourrit,
alimente l’écriture en cours ou une idée à venir…
Amélie :
Richard a plutôt traité des créatures "humanoïdes" (fées et lutin), et moi des créatures plus animales, ainsi que des
géants. C’est assez logique, j’ai toujours été proche du monde
animal (je travaille en presse équestre depuis plusieurs années),
et Richard a d’autres publications sous le coude en matière de
fées et lutins !
C’est
assez drôle, la question du travail d’écriture… il faut
absolument que je structure : écrire sans plan serait un saut dans
l’abîme, bonjour les crises de confiance ! J’ai une foule
de documents ouverts en même temps que celui sur lequel je
travaille : des travaux de linguistique, des travaux
d’anthropologie, cinq à dix livres (de Pierre Dubois, de Claude
Lecouteux, etc) sur le bureau, des plans, des plans et des
échafaudages, un peu comme autant de filets auxquels se raccrocher,
au moment où l’on se dit « ce chapitre est mauvais ».
E.L : Quelle
créature dans l'ouvrage vous intrigue le plus et pourquoi ?
Richard :
Je suis un gars du Nord alors les créatures qui m’accrochent le
plus dans le livre sont les Latuzés, ces lutins pas très gentils
qui se glissent entre les lattes des planchers, du grenier et qui
plantent leurs griffes tels des clous rouillés dans la chair tendre
des enfants peu sages.
Amélie :
Lou drapé, le cheval-fantôme d’Aigues Mortes. C’est une légende
que j’ai cherchée sur le terrain, en Camargue. Comme beaucoup de
gens qui ont vu le film Crin-Blanc,
j’ai rêvé la Camargue. Alors vers 23-24 ans – je crois – j’ai
cassé ma tirelire et suis partie à Marsillargues. J’ai été
déçue, ce n’était pas le pays "sauvage et libre" qu’on m’avait présentée dans les films et dans les brochures.
Le plombier philosophe qui m’hébergeait m’a dit que la Camargue
a "les pieds dans l’eau", la montée du niveau de la
mer inquiète. Comme si Folco et son cheval Crin-Blanc venaient se
venger des promoteurs qui ont détruit la nature ! C’est
exactement ce que dit Pierre Dubois : maltraite la nature et
elle se venge…
Lou
Drapé est un cheval-fantôme – un Camarguais, sans doute - qui
tourne, tourne toutes les nuits autour des remparts d’Aigues-Mortes.
Il prend des enfants égarés sur son dos, et part dans les marais du
Grau-du-Roi. Comme dans une Ghost Stories, la fin est ouverte. Ou
bien les enfants sont noyés… ou bien, ils partent dans l’Autre
Monde ! … et en reviennent, dix, vingt ou trente ans plus
tard, un peu enfadés, un peu fadas !
E.L :
Une autre collaboration pour un futur ouvrage est-elle prévue ?
Richard :
Rien n’est prévu à ce jour. Je pense que nous avons tous deux pas
mal de projets en cours ou à venir mais pourquoi pas. Il faudrait
d’ailleurs un jour enrichir encore celui-ci. Quelques lutins nous
ont glissé entre les mains !
Amélie :
J’aimerai bien mettre à jour cet ouvrage pour une prochaine
édition, mais en dehors de ce projet-là, qui reste lointain, rien
de prévu. C’est le principe des encyclopédies, on ne peut pas
être exhaustifs. A peine avons-nous rendu le manuscrit que l’on
trouve une fée oubliée, un géant omis.... La recherche progresse
sans cesse, et tant mieux !
E.L
: Autre chose à nous faire partager ? Vous avez carte blanche !
(lien vers votre site, page facebook, remerciements, accueil de votre
ouvrage par les lecteurs...)
Richard :
Juste un petit mot sur mon actu 2015. J’ai écrit une encyclopédie
autour des fées et lutins liés à la nature, parue aux éditions
Véga en 2013 et qui s’intitulait Le
Grand Livre des Esprits de la Nature.
J’ai la chance de voir sortir sa suite en novembre. Même
principe : un beau et grand livre rassemblant des esprits de
tous les folklores mais cette fois liés à nos habitations.
L’ouvrage s’intitulera Le
Grand Livre des Esprits de la Maison,
toujours aux éditions Véga.
Amélie :
Mon actu 2015 se fera côté jeu de rôle. J’ai mentionné Didier
Guiserix plus haut, je peux préciser que ça va concerner la
réédition de Méga, un JDR français de science-fiction. Je n’en
suis pas la créatrice bien sûr, mais j’accompagne – et c’est
une chance – une équipe formidable par ses compétences et ses
ambitions. On en reparle à l’automne prochain !
J’ai
un ouvrage en solo autour du cheval en projet, mais il a pris un peu
de retard.
Propos receuillis par Athina
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