Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
Charles Baudelaire
New York 2095.
Une pyramide flottante au-dessus de Manhattan...
Une population de mutants, d'extraterrestres, d'humains, réels ou synthétiques...
Une campagne électorale.
Un serial killer boulimique qui cherche un corps sain et un dieu à tête de faucon qui n'a que sept jours pour préserver son immortalité.
Un pénitencier géostationnaire qui perd un dissident subversif congelé depuis trente ans et une jeune femme sans origines connues, aux cheveux et aux larmes bleus...
Trois noms : Horus, Nikopol, Jill
Trois êtres aux destins convergents où tout est truqué : les voix, les corps, les souvenirs.
Tout sauf l'amour qui surgit comme une délivrance.
Immortel Ad Vitam est le troisième film de Enki Bilal (le premier "Bunker Palace Hotel" date de 1989 et le second "Tykho Moon" de 1996). Il est sorti en mars 2004. Ce long métrage est l'adaptation de deux de ses albums constituant la trilogie Nikopol (La femme piège et La foire aux immortels).
Le casting se compose, entre autre, de Linda Hardy dans le rôle de Jill, Thomas Kretschmann interprétant Nikopol et Charlotte Rampling. D'Horus on retient surtout la voix : en effet dans le film le personnage est en image de synthèse et doublé en français par Féodor Atkine (connu pour avoir prêté sa voix à Hugo Weaving dans Cloud Atlas, Le Seigneur des Anneaux...).
Un véritable chef-d'oeuvre
Enki Bilal croise le chemin du producteur Charles Gassot, qui lui propose de faire aboutir l'adaptation de la trilogie Nikopol. En effet après le peu de succès rencontré par Bunker Palace Hotel et Tykho Moon, Bilal s'était replongé dans la BD.
L'auteur accepte à la condition que le film, d'abord pressenti comme un long métrage d'animation, intègre des acteurs en chair et en os.
Le long métrage est extrêmement fidèle à l'univers des bandes-dessinées : l'atmosphère y est glaçante, les décors sombres et "crasseux" passent sans encombre des planches de papier à l'écran. L'esthétique irréprochable mêle habilement images de synthèse et acteurs bien réels.
La foire aux immortels et La femme piège datent respectivement de 1980 et 1986. Pour autant l'auteur a "surtout planté un décor de dictature médico-eugénique dans un contexte électoral classique [...] pour rompre avec les enjeux purement idéologiques du vingtième siècle, et de la bande dessinée elle-même, qui date des années quatre-vingt." Ainsi l'adaptation cinématographique reste résolument moderne et s'inscrit dans un contexte qui permet au spectateur de ne pas avoir la sensation de voir un film d'une autre époque.
A l'instar de l'atmosphère pesante et froide qui règne sur ce New York de la fin du XXIè siècle, le choix des couleurs tout au long du film reste lui aussi glaçant : le bleu et le gris prédominent, renforçant ainsi la tristesse qui émane de l'univers tourmenté de Bilal.
La bande originale signée Goran Vejvoda accompagne avec justesse l'ensemble du film : ni intrusive ni trop en retrait, elle se veut indissociable de chef d'oeuvre visuel que nous livre Bilal.
Sans pour autant se livrer à de grandes prouesses le jeu des acteurs reste convainquant et ne gâche à aucun moment le film. D'autant qu'il n'est pas forcément simple d'évoluer sur un plateau où les décors ne sont que des fonds verts et où les personnages avec lesquels les acteurs dialoguent sont, pour certains, des images de synthèse qui apparaîtront seulement en post-production.
Après s'être illustré dans le milieu de la bande-dessinée, Enki Bilal prouve avec Immortel Ad Vitam qu'il excelle également au cinéma.
Le long métrage est extrêmement fidèle à l'univers des bandes-dessinées : l'atmosphère y est glaçante, les décors sombres et "crasseux" passent sans encombre des planches de papier à l'écran. L'esthétique irréprochable mêle habilement images de synthèse et acteurs bien réels.
La foire aux immortels et La femme piège datent respectivement de 1980 et 1986. Pour autant l'auteur a "surtout planté un décor de dictature médico-eugénique dans un contexte électoral classique [...] pour rompre avec les enjeux purement idéologiques du vingtième siècle, et de la bande dessinée elle-même, qui date des années quatre-vingt." Ainsi l'adaptation cinématographique reste résolument moderne et s'inscrit dans un contexte qui permet au spectateur de ne pas avoir la sensation de voir un film d'une autre époque.
A l'instar de l'atmosphère pesante et froide qui règne sur ce New York de la fin du XXIè siècle, le choix des couleurs tout au long du film reste lui aussi glaçant : le bleu et le gris prédominent, renforçant ainsi la tristesse qui émane de l'univers tourmenté de Bilal.
La bande originale signée Goran Vejvoda accompagne avec justesse l'ensemble du film : ni intrusive ni trop en retrait, elle se veut indissociable de chef d'oeuvre visuel que nous livre Bilal.
Sans pour autant se livrer à de grandes prouesses le jeu des acteurs reste convainquant et ne gâche à aucun moment le film. D'autant qu'il n'est pas forcément simple d'évoluer sur un plateau où les décors ne sont que des fonds verts et où les personnages avec lesquels les acteurs dialoguent sont, pour certains, des images de synthèse qui apparaîtront seulement en post-production.
Après s'être illustré dans le milieu de la bande-dessinée, Enki Bilal prouve avec Immortel Ad Vitam qu'il excelle également au cinéma.
Des thèmes chers à Enki Bilal
Si le film se veut une réussite dans le milieu de la science-fiction d'anticipation, Enki Bilal ne se détourne pas des thèmes qui lui sont chers.
Certes l'action se déroule en 2095, dans un univers futuriste où humains, hybrides et extraterrestres se côtoient. Mais on ne tarde guère à lever le voile : sous couvert d'un monde parfait et maîtrisé on ne tarde pas à découvrir que ce New York est une cité totalitaire. Les politiques sont manipulés par la dictature d'une compagnie pharmaceutique, Eugenics, qui malgré sa suprématie peine à se débarrasser complètement des dissidents comme Nikopol. En effet si ces derniers sont emprisonnés dans des caissons cryogéniques, leurs esprits demeurent et leurs idées apparaissent au travers de messages flottants dans le ciel de New York. Immortel Ad Vitam donc ! "Les hommes meurent, les corps redeviennent poussière, mais les idées restent et gouvernent le monde."
L'arrivée des Dieux Égyptiens dans un contexte électoral tendu et le réveil accidentel de Nikopol vont venir troubler un ordre déjà précaire. On plonge rapidement dans un monde au bord de l'implosion, étouffant pour les êtres qui le peuplent mais aussi pour le spectateur. Outre l'omniprésence d'une dictature écrasante nous sommes aussi confrontés à la présence de Dieux qui exercent leur volonté sur les personnages. A l'instar de bon nombre de mythologies les Dieux apparaissent dans la vie de simples mortels et repartent aussi vite qu'ils sont venus en abandonnant au passage un peu d'eux-mêmes et de leur immortalité (ici en laissant Jill porter le fils d'Horus). Dans ce contexte où la manipulation est présente à plusieurs niveaux une question subsiste : quelle est échappatoire possible pour Jill et Nikopol ? Leur liberté et leur délivrance de ce monde impitoyable est finalement assez simple : l'amour. Pour autant le film évite le cliché du romantisme à outrance, on ne tombe pas dans une romance à l'eau de rose.
Nous restons même plongés dans le côté obscur puisque Baudelaire vient ponctuer cet univers chaotique de ses mots issus des Fleurs Du Mal.
Pour notre plus grand plaisir, Enki Bilal n'a de cesse de proposer à ses lecteurs des uchronies sombres et sordides. Mais si en les lisant nous sommes plongés dans des univers d'anticipation force est de constater qu'ils ne sont pas moins que les fantômes de l'histoire de l'humanité...
Onze ans après sa sortie dans les salles obscures, Immortel Ad Vitam n'a pas perdu de sa superbe et se laisse revoir avec autant d'enthousiasme.
Lady Fae
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