vendredi 29 septembre 2017

eXistenZ, de David Cronenberg


Lecteur, lectrice, bien le bonjour.

Aujourd’hui, je me permettrai de te tutoyer. Non pas par défaut d’étiquette, ni dans le but de caresser le fugace espoir de t’allonger dans le foin à la sortie du bal. Non, tout simplement parce que le billet qui suit se promet d’être ô combien intimiste. Et le terme est très à propos, puisqu’il est sujet d’un film de David Cronenberg, le cinéaste le plus viscéral de sa génération. De plus, s’il était une œuvre que je devais élever au-dessus du reste de sa filmographie, ce serait celle-ci. Par pure affection personnelle, bien entendu, et parce qu’il traite avec respect et intelligence un autre art qui m’est cher : le dixième.
Ah, oui, arrêtons-nous un petit instant sur ce point. Le "dixième art" est une appellation encore sujette à controverse mais désigne pour beaucoup le jeu-vidéo. Tout comme il fut difficile à l’époque de faire entendre que le cinéma était un art à part entière, l’univers vidéo-ludique peine encore aujourd’hui à affirmer la noblesse de sa discipline aux yeux de tous. Car oui, je suis passionné de jeux-vidéo depuis au moins aussi longtemps que je le suis de cinéma. Et c’est un plaisir immense de vivre au jour le jour son évolution et ses révolutions.
Aussi, avant de nous plonger plus en profondeur dans l’univers bucolique et chamarré de Cronenberg, je vais te parler un peu de ce fameux dixième art.

Sublimer l’immersion

Loin de moi l’idée de dresser ici un historique du jeu-vidéo, d’autres plus spécialisés en la matière l’ont déjà fait et bien mieux que moi. Je pensais plutôt aborder un point en particulier, celui de la réalité virtuelle (abrégée "VR") tout en re-contextualisant le film de Cronenberg dans l’Histoire du sujet dont il traite. En effet, on entend beaucoup parler de la VR ces dernières années, et la technologie a fait son grand bond dans nos salons. Il faut avouer que le concept a tout pour s’attirer les faveurs du joueur, cet être toujours avide d’immersion dans ses univers favoris. Quoi de mieux, après tout, que de lui visser sur la tête un casque qui projette tout autour de lui le paysage avec lequel il peut interagir, ne faisant alors plus qu’un avec son avatar. Car oui, jusqu’alors le joueur était habitué à ce que le sentiment d’immersion passe par le lien qu’il entretenait avec le personnage qu’il incarnait. C’est là le grand point fort des RPG, qui proposent pour la plupart de générer soi-même son avatar, ou au moins de façonner son style de combat voire son caractère. Les FPS (jeux de tir à la première personne) ont eux, par exemple, opté pour une autre approche afin d’offrir d’immerger son public. Effectivement, aux yeux du joueur, le flingue substitue la manette et le champ de vision est limité à celui du héros.
C’est cela même que la VR vient renverser en rendant soudainement l’avatar obsolète dans un art qui semblait pourtant ne pas pouvoir se concevoir sans. Même l’improbable "Goat Simulator" qui est littéralement un testeur de bugs nous force à incarner un personnage pour appréhender son univers ; dans le cas précis, une chèvre. Aussi, une telle proximité entre le joueur et le jeu lui-même se présenta-t-elle immédiatement comme un terreau fertile pour les jeux d’horreur et de frisson. Et de belles perles ont vu le jour depuis pour nous arracher larmes, cris, et lambeaux d’équilibre psychologique. Le potentiel de nos machines actuelles est tel qu’un autre paramètre vient parfaire l’illusion d’être plongé dans le monde de ces jeux : le réalisme visuel. Définitivement, les mosaïques de pixels ne sont plus d’actualité, et l’époque où l’on dissociait les scènes cinématiques du reste du jeu est bien révolue. Certains jeux développés spécialement pour la VR en ont d’ailleurs fait leur ligne de mire, et proposent à ceux qui n’ont ni le temps ni la thune pour voyager d’aller rencontrer méduses, requins et autres massifs coralliens.
Les rêves des gosses ayant grandi dans les années 90 sont aujourd’hui une réalité des plus concrètes. Et même si Nintendo avait déjà tenté un lancement sur le marché avec le Virtual Boy en 1995, proposant la 3D stéréoscopique tel un précurseur tout droit venu du futur, la VR qu’on connait aujourd’hui est longtemps resté un phantasme flirtant avec la science-fiction. Quand j’y pense, ça m’apparait comme une évidence : Cronenberg devait faire un film dessus. Il fera d’ailleurs de l’excellent travail, car baser un long-métrage entier sur ce thème relève d’un ardu travail d’écriture et de réalisation. Car oui, on l’évoquait précédemment, le principe même de la réalité virtuelle est de supplanter l’avatar, or un film nécessite la présence à l’écran de ses protagonistes, afin de permettre au spectateur de s’y identifier. Partir avec pour base un tel paradoxe semblait donc des plus délicats, comme chaque fois qu’on implique un quelconque paradoxe dans le script d’un film, et ce ne sont pas les nombreux métrages traitant du voyage temporel qui nous prouveront le contraire. Et pourtant, l’utilisation en est ici faite avec adresse et intelligence, et surtout sert le récit sans que cela ne semble tout bêtement artificiel.




Du bon usage du Game-Pod 

Abordons maintenant le film en lui-même, si tu veux bien. eXistenZ, donc, trouve parfaitement sa place dans la filmographie de Cronenberg, et est bien ancré dans la période où le cinéaste flirtait encore avec ce qu’on appelle communément le "biopunk", un courant dérivé du « cyberpunk ». S’il s’est visuellement assagi dans ses œuvres suivantes, épargnant ainsi l’estomac des membres les plus sensibles de son public, ses thématiques sont pour autant restées les mêmes : les tourments et la psyché de l’Homme. Mais "eXistenZ" c’est quoi ? Et bien c’est le titre du jeu dans lequel sont plongés les personnages tout du long. Toute dernière (et révolutionnaire !) création de la célèbre firme Antenna, le jeu propose à chacun de prendre part à une aventure dont les tenants et aboutissants ne se dévoilent qu’au fil de leur progression, cela dans un univers étonnamment réaliste. Si le postulat de base est simple, tout va très rapidement se complexifier, et ce dès les premières minutes du long-métrage. En effet, un attentat à lieu, à l’encontre des membres d’Antenna et en particulier de sa directrice, Allegra Geller (incarnée par Jennifer Jason Leigh), et on est immédiatement embarqués dans la cavalcade de cette dernière et de son garde-du-corps de fortune, Ted Pikul (joué par Jude Law). Celui-ci découvre avec nous eXistenZ, permettant à la narration de nous exposer de manière naturelle les règles du jeu et de nous introduire au fonctionnement des Game-Pods, dont je vais me faire un malsain plaisir de parler.
Qui dit jeu-vidéo, dit bien évidemment console de jeu, et là, Cronenberg nous gâte : la console c’est nous. Mieux encore, le code du jeu et toutes les données nécessaires à son fonctionnement sont stockés dans un appareil qui n’aura pas manqué de mettre chacun mal à l’aise : le Game-Pod (ou simplement "Pod" en VF). Ces petits boitiers tiennent bien plus du biologique que de l’informatique, et ce aussi bien de l’extérieur qu’au cœur de leurs entrailles, et la manière dont ils remuent lors de leur utilisation (en faisant plein de petits gargouillis bien dégueulasses) a le même impact visuel qu’ont les phases de métamorphose dans "La Mouche".  Afin de bien souligner qu’on a affaire à un film de Cronenberg, et parce que le Game-Pod c’est sympa mais on peut pousser encore plus loin, la connexion entre l’appareil et sa console se fait par le biais d’un cordon aux allures d’intestin que l’on branche directement dans le bio-port du joueur. Le bio-port, c’est un genre de prise jack qu’on se fait poser/creuser dans le bas du dos et dans lequel on insérera donc le fameux cordon.


Et bon sang, rarement le fan de H.R. Giger que je suis n’avait été aussi comblé par ce qu’il voyait. Chaque utilisation du Game-Pod est tournée avec langueur et presque exclusivement en plans très serrés et intimistes. Se dégage alors un érotisme mêlé d’inconfort voire de dégoût, accentué plus encore lors de certaines scènes qui ne manquent pas de perturber nos sens. On se trouve dans le transhumanisme le plus total. Et ça, ça ne plait pas à tout le monde, comme le montre très bien le film lui-même. En effet, aux yeux de certains, composer de la sorte avec le corps humain et le croiser d’aussi près avec la technologie est un véritable affront à la nature même de l’Homme. C’est donc en toute logique que les principaux antagonistes d’"eXistenZ" seront des représentants d’un groupe activiste luttant contre ces pratiques.

Du reste, l’œuvre ne souffre d’aucun essoufflement. Le rythme est particulièrement bien maitrisé, les enchevêtrements tout à fait lisibles et pour parfaire le tout l’immersion dans l’univers du jeu est réussie. Si comme tout autre film de Cronenberg "eXistenZ" se démarque de ses contemporains par une esthétique particulière et une photographie époustouflante, c’est son écriture qui lui donne tout son cachet. A mesure que Ted et Allegra progressent dans leur fuite, on les suivra se plonger dans l’univers d’eXistenZ. Puis à nouveau dans le jeu, mais dans le jeu. Mmmh, je ne suis pas sûr que ce soit très clair dit comme ça, mais en somme : tandis qu’ils sont déjà dans le jeu, nos deux protagonistes vont dénicher deux Game-Pods auquels ils se connectent. Se superpose donc un troisième niveau de récit, où les personnages se trouvent dans eXistenZ, dans eXistenZ. Alors aussi excellent que soit "Inception" de monsieur Nolan, il n’était pas le premier à flouter la frontière entre réalité et illusion. Ce flou est d’ailleurs volontairement mis en avant dans le film afin d’abuser les repères du spectateur et l’inviter à s’interroger. Implication, immersion, brouillage entre réel et irréel, tu vois le schéma se dessiner ? Et oui, la réalité virtuelle est définitivement bien plus qu’un simple prétexte ici. Et je pense sincèrement que le sérieux avec lequel Cronenberg a pu traiter ce sujet a grandement participé à sa démocratisation ; à l’instar de Kubrick, Lucas ou Scott offrant à la science-fiction un véritable crédit aux yeux du cinéma.

La prestation des acteurs n’est pas en reste, et rarement on aura pu voir l’exceptionnel Willem Dafoe cabotiner avec autant d’entrain (entre nous, à aucun moment on n’a cru que Gas était un type sympa, pas vrai ?). S’entremêlent au visionnage du film paranoïa, doute et confusion, et l’on y est préparés très tôt par Allegra qui rappelle à son acolyte néophyte qu’une seule règle compte dans le jeu : ne faire confiance à personne. Et bien cette mise en garde nous revient en plein visage lorsque tombe le générique de fin, et chacun est seul fautif de l’avoir ignoré. Nombre de plans constituant le film tiennent du génie, et les logiques inspirées par le monde du jeu-vidéo y sont retranscrites comme de véritables mécaniques servant l’avancée du récit.
J’ai coutume de me faire le plus objectif possible dans mes billets, tout en gardant une juste place au ressenti personnel. Pour parler de ce film, ça m’était juste impossible. Je le conseille en tant qu’œuvre cinématographique de très haute qualité, et parce qu’il mérite amplement son appellation en tant que classique. Mais je le recommande surtout pour la vision rare qu’il transmet du médium dont il traite, laquelle est accessible au joueur passionné comme au profane et se garde de n’être au final qu’un film de niche. Et puis je le répète, mais y’a Willem Dafoe qui sort son plus beau surjeu (et y’a Bilbon aussi, qui offre la plus belle des leçons d’acting à Marion Cotillard).

Sur ce, je vous laisse, j’ai rendez-vous chez mon garagiste pour me faire poser un bio-port, et on se retrouve très bientôt en ligne !

Bien à vous,
Bishop9K


Anecdote en cadeau. 
Dans le film, le jeu est présenté ainsi : "eXistenZ. Written like this. One word. Small “E”, capital “X”, capital “Z”." // "eXistenZ. Écrit comme ça. Un seul mot. Petit “e”, “X” majuscule, “Z” majuscule."
Outre l’exposition flagrante des procédés marketing, cela laisse entrevoir le mot « isten » qui signifie "Dieu" en hongrois. Simple, mais astucieux, surtout lorsqu’on traite ouvertement du transhumanisme… 

dimanche 24 septembre 2017

La Servante Ecarlate, de Margaret Atwood


Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d’esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, « servante écarlate » parmi d’autres, à qui l’on a ôté jusqu’à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. Le soir, en regagnant sa chambre à l’austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler… En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté.

Télérama écrit au sujet de "La Servante Ecarlate", paru en 1985 et signé Margaret Atwood, que "les meilleurs récits dystopiques sont universels et intemporels". 
En effet l'écriture de cette dystopie futuriste horriblement patriarcale et archaïque, ne permet pas réellement de la situer géographiquement ni d'un point de vue temporel.
Si le récit se veut riche en descriptions Margaret Atwood insiste peu sur les technologies et reste vague sur les éléments qui permettraient de rattacher le roman à une époque donnée.
Plus de trente ans se sont écoulés depuis la parution de "La Servante Ecarlate", pourtant l'oeuvre semble être toujours inscrite dans l'actualité : pollution, baisse de la fertilité, fanatisme religieux...

Dans une atmosphère intimiste et pesante, Defred nous narre sa vie. Celle d'avant bien sûr, bribes de souvenirs d'un passé heureux et libre, et sa nouvelle existence, qui en lui appartient pas vraiment, de servante dont l'unique but est de servir de ventre à un couple de la haute société. Esclave moderne, Defred se raccroche à ses souvenirs pour survivre et entretenir l'espoir d'un avenir où elle pourrait recouvrer sa liberté et sa fille.

Margaret Atwood entraîne son lecteur dans un récit où l'instrospection et la description prime sur l'action. Pour autant malgrè le temps qui se fige, ou du moins qui s'égrenne avec une lenteur extrème, l'oeuvre est loin d'être ennuyeuse. L'auteur signe ici une dystopie angoissante dans laquelle le public n'a aucune peine à s'identifier à Defred, prisonnière d'une situation immuable et forcée d'accepter le sort que la société lui réserve.

Nul doute que ce sont la qualité du roman et son intemporalité qui ont permit à l'oeuvre d'être aujourd'hui adaptée en série.
Une dystopie féministe glaçante qui questionne, secoue et terrifie, mais qu'il faut découvrir à tout prix !

Lady Fae


samedi 23 septembre 2017

Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2017

Salut à vous, curieux en tous genre. Cette année encore votre humble serviteur ci-présent a été dépêché pour couvrir l'un des plus fabuleux festivals de films de genre en France : le FEFFS ! Celui-ci a débuté vendredi 15 septembre, et arrive bientôt à son terme. C'est donc les yeux cernés par un manque notable de sommeil et noircis par une consommation ô combien excessive de caféine que je m'en viens vous convier à y faire un petit tour en ma compagnie. Si vous voulez bien prendre mon bras, messieurs dames, la visite commence tout de suite !


Le 15 septembre donc voyait s'ouvrir le festival, avec dès midi l'inauguration du Village Fantastique, véritable point d'ancrage de la semaine. Comme chaque année, on y trouve différents stands où petits éditeurs, joailliers inventifs, tatoueurs sympathiques et autres acolytes du fantastique se sont donné rendez-vous pour vous faire découvrir leur art. On y débusque également un vaste et convivial espace buvette et snacks où les convives viennent s'abreuver ou se sustenter entre deux séances. C'est après un discours pluvieux mais néanmoins chaleureux que l’événement fut donc officiellement lancé. Hormis la bière, les crêpes et tout ce que vous pouviez consommer au Village, la semaine y fut ponctuée de nombreuses activités. Des ateliers de jeux de plateau ou de rôle proposés par de bienveillantes associations, jusqu'aux leçons de maquillage FX et de Body-Painting en passant par les performances d'un graffeur de renom (auquel le festival doit d'ailleurs ses affiches depuis 10 ans maintenant), autant dire que chacun était assuré d'y trouver son bonheur.


Vendredi toujours, mais quelques heures plus tard, eut lieu la tant attendue cérémonie d'ouverture. Comme à son habitude, le FEFFS a accueilli les convives en musique avec cette fois-ci des clowns break-dancers. Puis s'ensuivit la présentation des différentes catégories du festival, appuyé par les désormais coutumiers discours de Daniel Cohen, directeur artistique du FEFFS, et de Mathieu Cahn, adjoint au maire de Strasbourg en charge des événements. Ce fut hélas également pendant cette cérémonie que fut annoncée -un trémolo dans la voix- l'annulation de la ô combien célèbre Zombie Walk. Le public fut d'ailleurs invité à manifester son mécontentement tout autant que son désir de voir revenir cette déambulation morbide qui fut à ses début l'un des piliers majeurs du festival. On croise les doigts pour l'an prochain...
Puis vint la moment de lancer l'avant-première qui allait ouvrir le bal pour la semaine : « Ça » d'Andy Muschietti. Après cela, si pour la plupart des festivaliers à la santé mentale équilibrée cette première journée se terminait, d'autres (dont je faisais naturellement partie, allez savoir pourquoi) se ruèrent aux portes du cinéma St. Exupéry pour la dernière inauguration du jour : celle des obscures et étranges séances de minuit.

S'ensuivirent ensuite de nombreuses séances, répartie aussi équitablement que je le puis entre les différentes sélections proposées ; à savoir que comme chaque année, le festival propose cinq catégories.
En premier lieu, nous avons les films en lice pour la Compétition internationale, qui regroupe plusieurs longs-métrages représentants le genre dans son aspect le plus classique.
En second lieu ceux de la cétégorie Crossovers, ces films inclassables sous une étiquette précise et qui empruntent à d'autres styles certains aspects avec une couche indéniable de fantastique. 
Ensuite, on trouve les Rétrospectives, qui permettent aux festivaliers de découvrir ou redécouvrir sur grand écran des légendes du cinéma, qui l'ont marqué à jamais et sont souvent devenus des pionniers dans leur domaine. Cette année, cette catégorie permit d'explorer la thématique du transhumanisme et de l'intelligence artificielle, et en parallèle furent présentés diverses pièces maîtresses des filmographies de Dick Maas et de William Friedkin. Les deux réalisateurs nous firent d'ailleurs l'honneur de leur présence pour présenter eux-mêmes leurs films !
Quatrièmement, ce furent trois sélections de courts métrages issus de France, de l'international et de l'animation qui entrèrent en compétition.
Et enfin, les Midnight Movies, que je mentionnais plus haut, et qui cherchent leur public chez les amoureux d'étrangetés et de films improbables, parfois à la limite du soutenable.


On trouve parsemé au fil de tout cela diverses séances spéciales, comme la projection en plein-air des « Dents de la Mer 2» sur écran flottant dans le bassin d'Austerlitz, celle de « Christine » de John Carpenter organisée sous la forme d'un Drive-In, comme dans les vieilles années, ou encore la rituelle projection au pied de la cathédrale de Strasbourg, avec cette année « Indiana Jones, les aventuriers de l'Arche Perdue ». Accompagnant ces événements, le public pouvait également parcourir le Musée Alsacien pour deux nuits thématiques où légendes alsaciennes et sorcellerie se mêlent au folklore contemporain. Le Festival accueilli aussi Laurent Melki, un personnage aussi talentueux que sympathique et tout autant haut en couleurs que le sont ses œuvres. Si son nom ne vous dit rien, je vous laisse vous remémorer les jaquettes de toutes ces vieilles VHS que vous collectionniez dans le temps. « Les Griffes de la Nuit », ou encore « Creepshow » en passant par « Vidéodrome » dont on pouvait pourvoir les affiches, les sérigraphies ou, pour les plus ardents collectionneurs, des authentiques originaux.
Si la Zombie Walk fut hélas annulée à la dernière minute, un autre rendez-vous était au programme, et rejoignait le FEFFS pour la toute première fois : le bal des vampires, prenant place dans le hall du Palais Universitaire et invitant tous ses participants à se draper de leur garde-robe la plus « vampirique » pour s'initier à la valse.


Assurément, les organisateurs ont cette fois encore travaillé d'arrache-pied pour offrir aux festivaliers une semaine inoubliable et aux représentations très variées. Des images marquantes, foule de fabuleux souvenirs, des découvertes incongrues, des anecdotes dévoilées par les réalisateurs invités, et une ambiance fantastique au sens premier du terme, c'est par tout cela que le FEFFS vous enveloppe année après année, avec un soin et une passion hors du commun.

A l'heure où ces lignes sont composées, le festival est à la veille du dernier soupir de sa dixième édition. En effet, les dernières séances ponctueront ce samedi jusqu'à la cérémonie de clôture lors de laquelle seront distribuées les diverses récompenses aux films ayant conquis public et jury, puis aura lieu la Nuit Excentrique qui invite les derniers survivants à passer la nuit devant trois nanars d'exception.
C'est par sa programmation exigeante et diversifiée, son ambiance si particulière et son envie de toujours s'améliorer que le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg se distingue de ses homologues, et s'il n'a pas l'ampleur de certains d'eux, il constitue selon beaucoup l'une des plus agréables expériences qui soient.
Je m'en vais donc de ce pas épuiser ce qu'il reste à mon corps de ressources, et vous retrouve très bientôt pour revenir sur les œuvres phares de l'événement.

Bien à vous,
Bishop9K

CREDIT PHOTOS : PHOTOGRAPHES FEFFS 2017

jeudi 21 septembre 2017

Ça, de Andrés Muschietti


Nul n'a pu passer à côté : un de nos plus vieux cauchemars de gosse a refait surface. Une peur insidieuse que la plupart d'entre nous avaient enfouie profondément sous tout un tas d'autres souvenirs, comme si -tel ce bon vieux Freddy- ne plus y penser suffirait à la faire disparaître. Qu'on ne s'y trompe pas, c'est là une quête vouée à l'échec. Les années 80 et 90 furent le théâtre de nombreux massacres et autres crimes horrifiques, à Helm Street, à Crystal Lake ou encore dans la petite bourgade de Derry... Et c'est dans ce dernier lieu qu'Andy Muschietti décide de nous entraîner à nouveau dans son dernier film, pour le plus grand plaisir de notre âme d'enfant.

Comme je le soulignais à l'instant, le cinéma d'horreur a particulièrement marqué le paysage de ces années troubles, et on relève aujourd'hui encore les traces que ses nombreux représentants ont laissé dans l'imaginaire collectif. Il suffisait de voir ces ballons rouges attachés aux grilles des bouches d'égout samedi dernier devant le cinéma Vox de Strasbourg, par exemple, pour  se rendre compte que malgré tout le temps passé à tenter de l'oublier, le spectre de la coulrophobie n'avait quitté personne. 


Et il fallait l'oser, car aussi perfectible ait pu être le téléfilm de 1990 (d'aucuns diront qu'il était incroyablement mauvais, je préfère me montrer plus mesuré) il s'était imposé comme l'adaptation la plus marquante jusqu'alors d'un livre de Stephen King. Ouais, le Maître du thriller lui-même, dont pléthore de bouquins ont eu droit à leur portage sur grand ou petit écran. Il ne s'agissait donc pas pour Muschietti de simplement offrir au livre de King une moulure adéquate à une sortie en salle, mais aussi de rendre hommage à son prédécesseur.

Allez, je vous épargne une nouvelle fois le pitch, notre bon Lord Kavern en a déjà très bien parlé, et je me garderais de vous en dévoiler trop sur les tenants et aboutissants du film. A la place, je vous invite à un petit focus sur le culot et l'adresse d'Andy Muschietti, cet argentin plein de promesses !

Deux films, et déjà une identité.

Deux. C'est le total de longs-métrages dans la filmographie actuelle du réalisateur de « Ça ». Et ce dernier est compté dedans. Rien que ça, il faut en saluer l'audace. Lorsque sont tombées les premières rumeurs d'un remake des mésaventures du Clubs des Losers de Derry, j'ai grincé des dents. En effet, cela fait déjà longtemps que j'ai été désabusé par des légions de remakes dégueulasses, ersatz de patchwork de ces vieilles pellicules chères à nos souvenirs sur lesquelles certains et certaines chiaient allègrement en croyant bien faire... Et quand bien même je n'ai jamais été un grand fan ni du roman de King ni de l'adaptation que Tommy Lee Wallace avait pu en faire, j'aime qu'on laisse les vieux monstres du cinéma en paix.  A plus forte raison aujourd'hui, Monsieur Romero n'étant plus là pour ramener les morts à la vie. Pourtant, un nom suffit à m'apaiser : Andy Muschietti.

Son premier long-métrage est le bien connu et justement récompensé « Mama », et je l'évoquais précédemment dans mon billet sur « Grave Encounters » comme l'un des derniers films de genre m'ayant impacté, ou pour le moins ne m'ayant pas laissé indifférent. Et cela est dû sans aucun doute au style très prononcé de son réalisateur. Une patte graphique propre, une esthétique très tortueuse se jouant des ombres et des lumières comme le ferait un prisme, ainsi qu'un impact visuel incisif et indubitablement marquant : ce sont là les empreintes de notre argentin, et ce en deux films seulement. J'ai peut-être l'air d'insister là dessus de façon monomaniaque, mais c'est parce que je m'enchante du retour des auteurs dans le cinéma de genre. Aussi, si Muschietti semble parfois se chercher encore, il est indéniable qu'il soit en passe de marquer le renouveau du film fantastique et horrifique. Car il faut l'admettre, visuellement on en prend plein la gueule. Tout amateur de photographie pourra s'émerveiller sur les plans de « Mama » comme de « Ça » et de leur étalonnage.

Mais si l'identité de Muschietti n'était que visuelle, alors on n'aurait à faire qu'à un énième pseudo-néo-proto-philosophe-penseur-accrobate-unijambiste-du-cinéma convaincu de donner dans le renouveau de l'art vidéo, transgressant le genre à ne plus s'en sentir pisser (coucou Gaspard Noé, non je ne trouve toujours pas bon ton cinéma)... or Andy n'est pas de ces usurpateurs, non. Il instille dans chaque minute de ses films sa passion pour le genre. Là où son compatriote sus-mentionné force l'adoration et l'amour, Muschietti les partage avec les spectateurs. La mise en scène flirte avec l'angoisse et l’oppression, puis sait nous rendre notre souffle au bon moment. Vous savez, ce moment qu'on recherche ardemment lorsqu'on se matte un film d'horreur. Celui où l'on se retrouve écrasé par l'anxiété, juste suffisamment pour que ça n'en devienne pas fort désagréable et qu'on en garde un mauvais souvenir. Voilà l'équilibre que vise (plutôt adroitement, de surcroît) Muschietti. Il est d'ailleurs sympathique de voir que le choix d'adapter la première confrontation des enfants de Derry à Pennywise plutôt que de se limiter à leur retour une fois adulte (comme dans le téléfilm, et qui sera l'objet du second opus) permet au récit de se ponctuer de grandes bouffées d'air.

Bien que sa filmographie n'en soit qu'à ses début, et qu'il puisse être délicat par conséquent de vouloir la juger dans son ensemble, on ressent très clairement dans « Ça » la présence du papa de « Mama ». Les enfants, notamment, reviennent ici voler au monde adulte la vedette, leurs craintes tout comme leur bravoure sont l'épine dorsale de ses deux films. Et si j'espère une tournure plus psychologique que sensitive pour le second opus, il va de soi qu'Andy Muschietti sait ce qu'il fait, et je conseille à quiconque de surveiller attentivement la progression de sa carrière.

Découvrant le film lors de la cérémonie d'ouverture du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, je suis encore surpris de voir et d'entendre que « Ça » d'Andy Muschietti fait déjà bien parler de lui et a déjà marqué les esprits. Non exempt de défauts pour autant, il a su s'attirer la bienveillance de son public de par le respect avec lequel il traite les deux œuvres dont il est tiré, aussi bien le livre que le film. King lui-même, pourtant éternel insatisfait et aux goûts cinématographiques assez... disons curieux (« Shining » de la merde ? Sérieusement Stephen ?) a dit avoir beaucoup apprécié ce revival. Mais le long-métrage ne présente pas ses hommages qu'à ses homonymes, il est également une fresque dédiée au cinéma de genre en avançant toute cette fraîcheur et cette honnêteté intellectuelle qu'avaient ceux de l'époque.
Alors en tant qu’aficionados poussiéreux de cette ère presque néolithique, je pense qu'on ne peut que trouver réconfortant de savoir les nuits blanches de nos jeunes têtes blondes entre les mains habiles de tels cinéastes. 

Curieux, nostalgiques, vieux baroudeurs ou jeunes galopins, je ne saurais que vous recommander de laisser sa chance à ce film. Car au-delà de son rythme un peu lent et des légers défauts qui le ponctuent, il reste une excellente œuvre cinématographique et constitue l'un des immanquables de cette année 2017.
Sur ce, ne sortez pas sans votre ciré jaune, mais gardez à l'esprit les conseils de vos parents : ne jamais parler aux inconnus.
Bien à vous,
Bishop9K

dimanche 17 septembre 2017

Ça, de Andy Muschietti


À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s'intégrer se sont regroupés au sein du "Club des Ratés". Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l'école. Ils ont aussi en commun d'avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu'ils appellent "Ça"… 

Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu'un petit garçon poursuivant son bateau en papier s'est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sou …


Nous avons eu le plaisir de découvrir Ça en avant-première lors de la soirée de l'horreur au Cap'cinéma de Carcassonne. Trois jours avant la sortie officielle les clowns étaient au rendez-vous pendant que les coulrophobes restaient terrés chez eux !


Ça (It : Chapter One) est la nouvelle adaptation du roman de Stephen King réalisée par Andy Muschietti à qui l'on doit l'excellent Mama. Il fait partie d'une duologie, deux films adaptant le téléfilm de 1990 de Tommy Lee Wallace. Cette nouvelle version met en scène les évènements étranges se passant à Derry durant l'été 1989 dans la première partie de l'histoire (la suite annoncée devrait se dérouler en 2016 si on en croit le postulat).

Adapter à nouveau ce récit après la version de 1990 était un défi. Cette mini-série en deux parties, bien qu'ayant fait trembler des générations d'enfants (et d'adultes), accuse le coup aujourd'hui et ne peut plus prétendre au statut de film tant il ressemble à présent à un simple téléfilm du dimanche après-midi.

Le film d'Andy Muschietti dure 2h15 et se dote d'une mise en place assez lente mais progressive. On se réjouit que la réalisation et la production n'ait pas fait l'impasse sur celà en ne tronquant  pas l'adaptation, afin de coller aux standards du format cinéma. Le récit gagne en profondeur avec le développement des sept héros de l'histoire, et leurs rencontres progressives et flippantes avec Gripsou le Clown dansant.

La photographie et la mise en scène sont impeccables : la couleur, les plans sont maitrisés et rendent hommage à la version de 1990. On retrouve avec beaucoup de plaisir bon nombres de scènes remises au goût du jour avec brio.
Les effets spéciaux sont particulièrement réussis. Que cela soit les transformations monstrueuses de Gripsou, ses déplacements cauchemardesques, le maquillage des enfants morts, les lieux qui se transforment ou s'étirent, tout est savamment dosé sans tomber dans l'avalanche de SFX. La scène où les enfants flottent tous dans "les Lumières-Mortes" ne laisse pas le public indifférent tant son esthétique est travaillée.

Bill Skarsgård signe ici une interprétation magistrale de Gripsou le Clown dansant  (Pennywise) : inquiétant, malsain, basculant aisément du clown au monstre en passant par des expressions d'absence ou de malignité bluffantes, il dépasse la prestation pourtant excellente de Tim Curry à l'époque. Son regard et ses sourires pernicieux vont faire faire des cauchemars à une nouvelle génération de cinéphiles et jeter un vernis d'inquiétude sur les gens déguisés en clown.
Le maquillage appuie habilement la physionomie de l'acteur, accroit le sentiment d'insécurité qu'il inspire, et va bien au delà de celui de clown plus classique que pouvait avoir Tim Curry. Gripsou se drape d'une nouvelle image plus sinistre qui va devenir iconique dans le genre des films d'horreur. A noter qu'un clin d'oeil au personnage original de la version de 1990 est dissimulé dans le film comme pour boucler la boucle.


La prestation des jeunes acteurs est excellente. Mention spéciale à Finn Wolfhard (Ritchie), découvert dans la magistrale série Stranger Things,  qui réussit à nous faire un peu oublier cette dernière en campant un adolescent binoclard casse pied, drôle et injurieux. Jaeden Lieberher est quand à lui touchant dans le rôle de Bill le bègue, frère du petit Georgie qui disparait au début de l'histoire.


Les seconds rôles ne sont pas en reste : les adultes qui entourent les enfants sont soit odieux, soit aveugles aux évènements, caricaturaux d'une certaine Amérique des années 90, comme aime à la montrer Stephen King dans ses récits. 

Henri Bowers (Nicholas Hamilton) et sa bande de voyous sont détestables à souhait et moins caricaturaux que dans le téléfilm. Ils sont traversés de doutes, de peurs ou de problèmes d'adolescents tout autant que leurs ennemis "les ratés", les jeunes héros du film.

Andy Muschietti nous livre ici le premier chapitre d'une adaptation prometteuse, enthousiasmante et délicieusement abominable, fidèle à l'oeuvre originale et à la mini-série devenue culte des années 1990. Astucieux dans sa mise en scène et capable de nous faire frémir, ce premier volet de la duologie donne un nouveau souffle à une oeuvre incontournable du "King", dépoussiérant au passage le travail de Tommy Lee Wallace tout en donnant envie de nous y replonger !!! 

Nous attendons avec impatience la sortie du second opus en espérant que l'épouvante sera à son paroxysme !

Lord Kavern


Lord Kavern, chroniqueur et clown à ses heures perdues / L'Etrange Librarium, une affaire de famille !

dimanche 10 septembre 2017

Death Note, de Adam Wingard


Inspiré du célèbre manga japonais écrit par Tsugumi Ōba et illustré par Takeshi Obata, Death Note suit un lycéen qui trouve un carnet doté d'un pouvoir surnaturel : quiconque le possède condamne à mort ceux dont il y inscrit le nom en pensant à leur visage. Enivré par un sentiment de toute-puissance quasi divine, le jeune homme commence à tuer ceux qu’il estime indignes de vivre.

Adam Wingard, à qui l'on doit entre autre l'opus de Blair Witch sorti en 2016, s'attaque ici à l'adaptation du célèbre manga "Death Note".
Les fans de "Death Note" grinceront sans doute des dents devant cette adaptation américanisée, allant jusqu'à parler de white washing et de massacre de l'oeuvre originelle.

Mais si l'on s'attarde sur le film en lui-même il n'est pas dénué de qualités. Certe il oscille entre teen-movie et univers sombre, ambiance à la sauce "The Faculty" et morts dignes de "Destination Finale", pour autant on est rapidement plongé dans l'intrigue. 
Du haut de ses 101 minutes, Death Note ne manque pas de rythme et parvient sans peine à embarquer son spectateur au côté d'un adolescent lambda qui se sent pousser des ailes une fois en possession du fameux carnet. Il s'affranchit de son existence discrète et croit devenir le héros des temps modernes que tous attendaient, venu libérer le monde du mal. Bien entendu rien en se passe vraiment comme prévu et la situation a même la fâcheuse manie de s'aggraver !

L'ensemble est un peu cliché, clairement destiné à un public "young adult" mais on se laisse prendre au jeu ! Un Death Note dynamique à la photographie soignée, porté par un casting qui, s'il ne crève pas l'écran, n'est pas non plus médiocre. A voir en VO pour profiter de Willem Dafoe qui prête sa voix à Ryuk.

Cette version de "Death Note" est décriée par les puristes. Pour autant à quoi servirait une adaptation si elle n'était que la copie conforme de l'oeuvre de laquelle elle s'inspire ? Elle en reprend le thème principal et s'en éloigne sans doute, le réalisateur et son équipe se l'appropriant pour en livrer leur vision. Mais c'est également, pour le public, l'occasion de se tourner vers le manga originel et la série animée. Bien loin de mettre à mal le travail de Tsugumi Ōba et Takeshi Obata, c'est à mon sens un bon moyen d'ouvrir les portes de leur univers à un public qui ne connaissait "Death Note" que de nom.

Cette adaptation de "Death Note" ne restera probablement pas innoubliable, elle n'en demeure pas moins un bon thriller fantastique de série B que l'on prend plaisir à voir !

Lady Fae

vendredi 1 septembre 2017

Grave Encounters, des Vicious Brothers


Rarement surpris et trop souvent déçus par le cinéma horrifique de ces dernières années, une amie et moi-même cherchions hier soir dans nos poussiéreux souvenirs afin d’y dénicher les derniers bons films de ce genre qui nous avaient marqués. En tête de liste nous vint à tous deux l’excellentissime, voire le presque irréprochable « Sinister » de Scott Derrickson. Lequel n’a d’ailleurs eu de cesse que d’améliorer sa patte et son identité cinématographique depuis « L’exorcisme d’Emily Rose », pour le plus grand panard des amateurs de frissons. Et le premier constat nous frappa alors : cinq années entières s’étaient écoulées sans qu’un film d’horreur ne nous marque autant que celui-ci… Merde, qu’était-il arrivé ? Avions-nous passé le cap de nos jeunes années, devenant moins facilement effrayés ? Etions-nous de ces blasés qui clament sans second degré que « c’était mieux avant » ? Ou bien encore étions-nous devenus plus exigeants, gavés depuis notre tendre et innocente enfance par des centaines de films d’horreur ? Etait-ce finalement le cinéma qui n’arrivait plus à produire ces métrages qui nous sont tendres avec la même qualité qu’autrefois ? Peut-être un peu de tout ça à la fois, allez savoir… Le constat demeurait inchangé…
Aussi avons-nous forcé notre mémoire à travailler plus assidument, persuadés que de plus récentes découvertes nous avaient marqués au fer rouge. Il y avait bien « Mama » d’Andrés Muschietti, avec son ambiance pesante et ses scènes marquantes. Mais l’impact n’avait été finalement qu’assez léger, et qui plus était le film datait de 2013… Nous n’avions rogné qu’un an. Fichtre… «Le premier volet de la saga « The Conjuring » qu’on ne présente plus tant il est fort d’un succès certain, mais là encore on ne passait même pas la barre de 2014… Ah ! Le « Blair Witch » d’Adam Wingard ! Petite surprise de l’année dernière, et dont j’ai eu de grandes difficultés à dire du mal, aussi pessimiste ai-je pu être au moment d’entrer dans la salle. (Vous pouvez d’ailleurs retrouver ma chronique sur ce film dans les archives du blaug.) Toutefois aussi sympathique fut-il, il ne m’avait pas non plus mis aussi mal à l’aise que « Sinister » qui restait définitivement en haut de notre classement (probablement en partie grâce à la bande-son incroyablement malaisante signée Boards of Canada).

Ce fut donc bredouille que nous revenions de nos recherches, et légèrement dépités. Résignés à ne pas dénicher de films plus récents, nous nous sommes alors amusés à décortiquer plus en détail ces quelques années entourant nos derniers coups de cœur. Et on est littéralement tombés sur le cul : pléthores de bons voire de très bons films ponctuaient la période 2010-2013 ! Comme si à la Bourse du cinéma, le genre horrifique était soudain monté en flèche, jusqu’à crever le plafond. Cela concorde d’ailleurs avec la résurrection du Found-Footage (dont je dresse un petit historique dans ma chronique sur « Blair Witch », si c’est un poil obscur pour vous). D’ailleurs, c’est là la forme choisie par les Vicious Brothers pour nous servir en 2011 leur premier véritable long-métrage : « Grave Encounters ».
Fait cocasse : bien que sorti en 2011 aux Etats-Unis, le film ne finit par traverser l’Atlantique que l’année dernière, tout d’abord uniquement en VOD et téléchargement puis finalement en DvD. Voilà qui bouclait la boucle ! Ayant fait sensation à Gérardmer, nous en avions à l’époque entendu parler sur d’étranges et obscurs forums, et c’est munis chacun d’un tricorne et d’un sabre que nous avons déniché une copie. On a adoré. Resonger à ce vieux coucou nous arracha un sourire franc, et c’est de concert qu’on décidait de se le mater à nouveau. Ce ne fut d’ailleurs pas compliqué de le trouver : il est disponible sur [un service de VOD vach’ment connu dont le nom commence par Net et finit par Flix]. Et il fit à nouveau son petit effet. Aussi, trop méconnu à mon goût, je m’en viens vous en parler un peu et -j’espère- vous donner envie de le voir ou le revoir d’un œil neuf.


De la justification du format

Qui dit found-footage implique nécessairement la présence d’une caméra existante dans la diégèse du film, présence qu’il est donc impératif de justifier dans le scénario lui-même. La plupart du temps, ceci passe par l’utilisation de ladite caméra pour tourner un reportage, ou une enquête. On peut par exemple penser ici à « REC » ou encore une fois au « Projet Blair Witch » qui comptent tous deux une équipe de reporters, qu’ils soient professionnels ou simples amateurs. D’autres fois - comme dans le cas de la célèbre saga « Paranormal Activity » ou bien dans le perfectible « Cloverfield » de Matt Reeves – un des personnages trouvera important de filmer les différents évènements qui nous serons présentés. Le second cas a souvent laissé au public comme un goût d’artificialité, certains apartés essentiels à la compréhension du film ou à son rythme peuvent parfois sembler n’avoir aucune raison d’être enregistrés. Cela amène hélas bien souvent à couper le spectateur le sentiment d’immersion dans lequel le métrage cherche à le placer. De plus, le found-footage est supposé être par définition dénué de tout montage vidéo. Et cela, « Grave Encounters » le respecte à la lettre et de manière très habile. En effet, dès le début du film, c’est le producteur de la série éponyme qui nous introduit à la situation initiale, gageant de toute son honnêteté que les images qui s’apprêtent à défiler sous nos mirettes sont de véritables rushes retrouvés et surtout n’ayant pas été retouchés au montage.
Je dois vous l’avouer, après ce prologue digne d’un bonus DvD, je me trouvais le cul entre deux chaises : ma curiosité avait été piquée au vif, et le film me semblait prendre une direction très intéressante, par ailleurs j’attendais clairement la suite au tournant, prêt à mordre au moindre faux pas. Et si ce serait un odieux et éhonté mensonge de dire de « Grave Encounters » qu’il est irréprochable, aucune de ses maladresses n’aura été assez grande pour s’attirer mes foudres. Très friand du genre found-footage, ce dernier a depuis lors sa place parmi mes préférés. Et je peux vous l’assurer, ce n’est pas sans raison.


Concernant le reste du long métrage, chaque caméra par laquelle nous serons témoins des mésaventures de l’équipe de tournage saura sans peine justifier sa présence. En effet –et j’y reviendrais un peu plus en profondeur dans la suite de cette chronique- nous suivons un groupe de chasseurs de fantômes enquêtant entre les murs d’un vieil asile à l’abandon et prétendument hanté. Le set and setting se compose donc en toute logique sans qu’on ressente la moindre artificialité dans l’usage du support. Utilisant intelligemment les commentaires de l’équipe comme on le ferait pour un making-of, la moindre scène un tant soit peu banale ou ordinaire renforce l’immersion plutôt que de détacher le spectateur. Pour sûr, dès les premières minutes du film on comprend que ça n’a rien d’aussi putassier que l’improbable désir de Rob de ne pas lâcher sa nouvelle caméra tout au long de « Cloverfield ». De même que les scènes où il ne se passe rien d’anormal sous l’objectif des caméras fixes ne voient pas leur durée abusivement allongée pour faire monter l’angoisse, comme on pourrait le reprocher aux « Paranormal Activity ». Les soubresauts de l’image, les parasites et autres défaillances technique opportunes utilisées pour traduire des manifestations paranormales ne sont pas non plus abusives, et ponctuent le métrage avec justesse. Au final, tout y est mesuré avec adresse et tact, et c’est incroyablement plaisant.


Quid du synopsis ?

Le pitch est simplissime au possible : comme je l’évoquais plus haut, le spectateur est invité à suivre une équipe de chasseurs de fantômes sur le tournage d’un épisode de leur série intitulée « Grave Encounters ». C’est tout bête, et ça pose un terreau aisément exploitable par le format found-footage tout en facilitant la mise en place d’une ambiance horrifique. Un brin faiblard au premier abord, le synopsis attise néanmoins la curiosité, d’autant plus qu’à l’époque où sortait le film, les séries documentaires sur le sujet rencontraient un riche succès. Aussi, quoi de mieux qu’un asile désaffecté, entouré de multiples légendes glauques et paré d’une très mauvaise réputation pour poser le décor ? Avant de le visionner, j’étais sceptique, et prêt à crier à la fainéantise… me raviser dans mon jugement a été l’une de mes plus sages décisions. Les péripéties nous embarquent dans un univers au final très lovecraftien, où temps et espace n’ont rapidement plus aucune substance tangible. A mesure que la folie gagne les personnages, on se retrouve tout aussi perdus, amplifiant alors le malaise général et renforçant l’empathie éprouvée pour les protagonistes.
La simplicité du scénario est au final l’une de ses plus grandes forces, car aussi rationnel qu’on puisse être, et même conscient de se trouver devant une œuvre de fiction, tout apparait vraiment crédible. La diégèse n’est violée à aucun moment, et si les premières manifestations paranormales sont trop faiblardes pour nous arracher de réels frissons, on réalise très vite que ce n’est rien du tout en comparaison de ce qui nous attend ensuite. L’escalade dans l’horreur est d’ailleurs exponentielle, et le rythme est savamment maitrisé pour que le film ne s’essouffle pas ou ne s’enlise dans le cliché bête et décevant.
L’immersion est aussi renforcée au cours de différents dialogues et d’une mise en scène habile, où l’on nous dévoile à demi-mots que nos fameux chasseurs de fantômes ne croient pas du tout au surnaturel, et que leur série est truquée dans le seul but lucratif de faire trembler l’audimat. On assiste donc à leur toute première confrontation à ces entités qu’ils prétendent chercher depuis plusieurs épisodes. Le personnage de Houston Gray est d’ailleurs à mon sens un ajout conséquent au film. Ce prétendu médium, véritable parangon du charlatanisme et cabotinant sans retenue aucune, est sensé démontrer la présence d’esprits errants au public. Et il est difficile de ne pas sourire lorsqu’il perd tous ses moyens dès le premier fait paranormal. Tous les protagonistes ont d’ailleurs un caractère propre, qui s’il flirte par moments avec le cliché, renforce leur identité et les fait sembler tout à fait réels. Non, vraiment, « Grave Encounters » n’a définitivement pas été écrit avec le cul d’un boiteux. Quant à Lance Preston, vedette phare de l’émission, sa réaction face aux différents évènements est indubitablement crédible : si de prime abord il apparait comme un escroc tout aussi méprisant que méprisable, il se retrouve rapidement emballé et fébrile à l’idée que le surnaturel soit en définitive une réalité.
Je brûle d’envie de disséquer sous vos yeux des passages entiers du scénario, qui selon moi sont de parfaites manifestations de génie, toutefois cela pourrait gâcher votre expérience si vous n’avez pas encore vu le film. Je m’en garderai donc, et vous invite chaleureusement à le découvrir par vous-même.


Et le trouillomètre dans tout ça ? 

Je vous le disais en préambule de cette chronique, il est difficile pour un long-métrage de me foutre les foies. Si « Sinister » et son ambiance y parviennent avec succès, je reste littéralement insensible à tous ces maigrelets films bourrés à ras-bords de jump scares. Rien ne m’effraie moins qu’un vieux screamer tout cheap qui me saute au visage par «surprise » (alors qu’on le sent clairement venir à trouzmille bornes tant le procédé est usé). Et bien « Grave Encounters » contient tous les ingrédients qui me font apprécier la peur. Je vais insister une dernière fois sur l’ambiance, qui s’alourdit crescendo jusqu’à baigner le spectateur dans cette atmosphère pesante et anxiogène digne d’un véritable film d’angoisse. On se sent aussi cloitré et perdu que le sont les personnages, et la peur vient principalement de l’inconnu –ce prédateur naturel de l’Homme dont je vous parlais dans mon billet sur « Alien ». Et si je soulignais la simplicité du synopsis précédemment, les mécaniques utilisées pour jouer avec l’effroi et la terreur sont très bien huilées. Pas un seul instant je n’ai eu le sentiment qu’on me prenait pour un con, ou qu’on cherchait à insulter mon intelligence. Lors du set and setting nous sont présentés quelques lieux-clefs du bâtiment, qu’il est évident pour tout spectateur un tant soit peu coutumier du genre qu’on retrouvera ensuite. Et plutôt que de donner dans le set-up/pay-off le plus basique du monde, cherchant à flouter maladroitement aux yeux de tous des ficelles grosses comme des chevaux, « Grave Encounters » annonce clairement son intention d’entrée de jeu : chaque pièce SERA le théâtre d’une scène flippante. Vous le savez, mais ce que vous ignorez c’est QUAND cela va se produire. Cette insoutenable attente qui flirte avec l’ironie dramatique (bon sang, ce que j’adore ça, l’ironie dramatique) vous place bien plus habilement dans l’inconfort que ne l’aurait fait une de ces vulgaires supercheries chères à  M. Night Shyamalan.

Par ailleurs, les scènes de frayeur pure qui ponctuent cette randonnée de l’angoisse sont d’une efficacité époustouflante, accentuées qu’elles sont par l’usage des caméras et par un jeu d’acteur plus que convainquant. L’absence totale et logique de toute bande-son musicale est également un catalyseur de la peur qu’instille le long-métrage, donnant une fois de plus un cachet réaliste à l’œuvre, et confirmant les propos du producteur en début de film.
Si les seconds, troisièmes visionnages et chaque suivant permettent de prendre une certaine distance avec le film et son atmosphère, le plaisir reste bien présent. Car bien que la frayeur perde de son impact, « Grave Encounters » reste une excellente œuvre, et mériterait amplement d’être cité comme exemple du genre à l’instar de ses précurseurs. 

Sur ce, je m’en retourne à ma vie insipide et morne, à ces navets sans substances qui pullulent tels des lapins australiens, et je vous donne rendez-vous très prochainement pour suivre en ma chaleureuse compagnie la dixième édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg !
Pensez à bien regarder sous votre lit avant d’aller vous coucher, et s’il vous plait, ne jouez pas avec la table de Ouija de votre arrière-grand-mère d’origine gitane.
Bishop9K


PS : je ne pouvais pas clôturer cette chronique pour partager avec les plus curieux d’entre vous le morceau de Boards of Canada qui ponctue « Sinister » de long en large, et qui n’est pas sans rappeler le travail du groupe « Goblin » sur la bande-son du célèbre « Suspiria » de Dario Argento.